Le moins qu'on puisse dire est que Spads est un épisode étonnant dans la saga. Après avoir proposé une relecture des récits d'évasion avec Toutes les larmes de l'enfer, on imaginait que Jean Van Hamme allait nous servir une fiction militaire tout à fait à la mode dans les années 1980 chez les Ricains. Le titre de ce quatrième opus est le nom d'un unité militaire dure de chez dure, la couverture évoque une mission dans la jungle et, au final, c'est le parfait contre-pied. Certes, notre ami amnésique est bien dans l'armée à en baver avec des supérieurs obtus mais cette escale est une vraie péripétie dans le récit. Et cette péripétie n'est pas vraiment militaire puisqu'il n'y a, dans cet album, aucune trace d'un moindre combat. Alors qu'on l'imagine au vert, notre ami XIII a, en effet, sans le savoir, été envoyé en mission pour enquêter dans son unité. Et voilà comme on se retrouve, sans l'imaginer avant d'ouvrir l'album, dans l'opus qui recèle peut-être le plus de révélations.
Il faut dire que la narration est, à nouveau, un grand modèle du genre. Jean Van Hamme joue sur plusieurs trames pour faire avancer son récit avec une rare efficacité. Ici avec XIII, ici avec Amos, ici avec Carrington, ici avec Jones, le récit part dans tous les sens tout en étant parfaitement maîtrisé. Chaque récit répond à l'autre et permet au lecteur d'assembler le puzzle. Et les masques tombent les uns après les autres. On n'est pas certain de ne pas se faire encore trimbaler mais l'impression première est vraiment d'être face à une somme de révélations importantes. Trop peut-être d'ailleurs car si l'impatient est heureux d'en apprendre plus sur les différents personnages, l'amateur de mystères craint d'en voir dévoilés beaucoup en quelques pages. L'impression est d'autant plus désagréable que la narration, pour une fois, joue la carte de la simplicité avec un récit synthétisé en trois planches. Heureusement, en parallèle, le récit continue à se dédoubler avec efficacité. Pris entre deux jolies filles (si le dessin de Vance est parfois discutable, on ne peut pas lui retirer la qualité de savoir croquer de jolies formes féminines), XIII est embarqué dans une situation périlleuse qui annonce de belles péripéties à venir.
Spads est un tome important. Il est celui qui, pour le moment, fait le plus avancer l'intrigue. Il apporte de nouveaux éclairages sur les personnages, il redistribue les cartes dans les relations entre les protagonistes et il présente aussi de nouvelles gueules amenées à jouer un rôle important dans la série. Le découpage scénaristique, très cinématographique, fonctionne parfaitement et permet de passer d'un récit à un autre en apportant, à chaque fois, une nouvelle tension narrative. Au regard du nombre important de titres dans la saga, on craint que la suite soit bien moins trépidante tant cet album est mené à vive allure, mais on est ravi, pour le moment, d'être dans une séquence qui compte. Tout va bien, on en est toujours à vivement la suite !