Aïe, aïe, aïe... L'arrivée de Fabrice Caro en lieu et place de Jean-Yves Ferri qui venait, à mon sens, de signer son meilleur Astérix dans le texte, était pourtant annoncée comme une bonne nouvelle pour les nombreux fans de nos irrésistibles gaulois. Et pourtant, quel raté ! À force de vouloir faire du Goscinny, Fabcaro nous livre un épisode qui paraît tristement parodique. Trop de références aux glorieux albums de l'irremplaçable premier duo (La Zizanie, Le Devin), trop de "bons mots" (et ils ne le sont pas tous bons, loin de là), trop de citations à l'emporte-pièce, trop de situations déjà vues : en bref, trop peu d'originalité et trop de difficultés à sortir de l'ombre de René Goscinny.
Cette aventure, jamais palpitante et jamais franchement drôle, manque surtout de subtilité. Faire du petit village gaulois un miroir de notre société contemporaine, bien entendu, c'est le jeu et l'enjeu même de cette emblématique bande-dessinée. Mais tout est trop outrancier pour fonctionner. On ainsi le sentiment que Fabcaro a voulu simplifier son message pour qu'il soit mieux compris des enfants alors qu'il est nécessaire qu'il reste discret pour mieux bluffer les adultes et rester divertissant pour les enfants. La venue de l'étranger au village (qui n'est pas une situation nouvelle) et sa capacité en trois vignettes de retourner ses habitants en deux bulles de dialogue ne peut pas convaincre. De la même façon que la critique beaucoup trop appuyée pour railler la "pensée positive" qui s'est emparée de notre société ne puisse sembler vraiment sincère à force d'être ainsi caricaturée.
Le résultat est donc franchement décevant. Les deux parties de l'album (le premier au village, le second à Lutèce) sont aussi peu convaincantes l'une que l'autre. Cet épisode manque d'action mais aussi d'émotion et de tendresse. Les situations se répètent, tous les personnages de Gaule comme de Rome semblent frappés du même mal sauf nos amis Astérix et Obélix qui sont étrangement au-dessus de la mêlée alors que le récit aurait certainement gagné à ce qu'ils soient, eux aussi, frappés de ce "doux mal". Fabcaro maîtrise les codes d'Astérix mais semble embarrassé quand il s'agit de les manier. Peut-être faut-il lui laisser un peu de temps. Le dessin de Didier Conrad, quant à lui, fonctionne à merveille.