The Red Monkey dans John Wesley Harding par Sejy
Impression de déjà vu... Tirage en quadrichromie et aplats de couleurs, trait hérité des meilleures écoles de la ligne claire, bulles géométriquement soignées et généreusement emplies de lettrages ordonnés, et un héros sympathique, dans la fleur de l'âge, frappé d'une singularité physique pour le moins distinctive, qui nous embringue dans des périples ébouriffants et audacieux, explorations de décors cartes postales ou de lieux beaucoup plus étranges. Un classicisme établi, dans la forme et dans le fond, qui laisse transpirer les plus convaincantes influences hergéennes. Il ne manque plus qu'un cabot doué de parole et on s'y croirait.
Mais comme le proférait une certaine publicité, si ça en a la couleur et presque le gout, ce n'en est pas tout à fait. Joe Daly opère un dépoussiérage astucieux, optant pour une métamorphose radicale dans le ton. Le reporter à houppette bien-pensant (Tintin, pour les plus lents) et son inséparable Haddock font place à deux protagonistes beaucoup plus cools et traîne-semelles. Dave, gentil rouquin aux pieds de singe (the red monkey) et Paul, son comparse halluciné, troquent pantalons de golf, pull marin et pipe contre shorts, sandales et pétards à foison. Traversant miraculeusement un scénario farfelu, cocktail de chasse au hamster, d'invasion extra terrestre, de rencontres baroques (inénarrable détective privé aux métaphores exhibitionnistes), d'obscur complot immobilier et d'enquête policière en faux semblant, ils amènent une dérision mesurée et offrent une très grande modernité à cette histoire impossible, au demeurant remarquablement construite, captivante, voire même engagée. Une distance, qui, loin d'un foutage de gueule, prend les allures d'un hommage revendiqué (cherchez bien les multiples clins d'œil parsemés le long du récit)
Ceux qui passeront leur lecture au tamis du premier degré demeureront peut-être interrogateurs, risquant même l'emmerdement clinique. Les plus vigilants (les chanceux !) sauront se délecter des dialogues subtilement décalés ou parfois plus chaotiques et « enfumés » et de situations énormes. Baignant dans des atmosphères uniques (j'ai adoré les scènes de nuits), ils se laisseront porter par une hilarante aventure initiatique en flottant dans une légèreté, une agravité fleurant bon la ganja.
Le néoclassicisme de la Bd ?