Cinquième aventure de Jeremiah (première publication en mai 1981) cette BD présente un traitement intéressant pour un thème pas franchement original. La méthode Hermann (scénario, dessin et couleurs) est bien en place, avec un goût pour le fantastique qui se confirme, des dessins extrêmement bien léchés et un scénario qui révèle progressivement les détails qui rendent la BD palpitante.
Le point négatif, encore une fois, c’est la fâcheuse tendance d’Hermann à faire dans le manichéisme. Ses méchants sont toujours sans la moindre ambigüité. Ici, nous avons un médecin séduisant et brillant mais dénué du moindre scrupule. Il a autour de lui une équipe qui obéit au doigt et à l’œil. Ce médecin dirige une clinique pour très riches patients, soi disant malades, qui mènent une vie parfaitement oisive au bord d’une piscine de luxe. Il y a également Stonebridge, une vieille connaissance de Kurdy. Les deux hommes se détestent cordialement. A noter que le modèle de Stonebridge, un barbu à lunettes au look typique des années 70-80 est un animateur radio belge, fan de BD qui a animé l’émission « Rock à gogo » Pas difficile de deviner que la bonne affaire que Stonebridge vient proposer à Kurdy au début est un coup foireux.
Le personnage le plus intéressant est Cheryl, jeune blonde accompagnant Stonebridge. Pour convaincre Kurdy d’accompagner Stonebridge et donc de laisser Martha (la tante de Jeremiah), Cheryl reste avec Martha. Jeremiah en vadrouille fait sa connaissance à son retour. Il découvre une femme séduisante, douce et irrésistible. Son cœur d’artichaut réagit aussitôt. Cheryl n’y est pas insensible, mais elle est déjà prise. Jeremiah se contente d’un amour platonique. Il réalisera bien tardivement que la belle a quelques secrets très personnels. Première confrontation de Jeremiah, encore bien naïf, avec les vicissitudes de l’amour.
Le dessin est encore une fois très séduisant et Hermann impressionne dans sa description du monde post-apocalyptique qu’il a imaginé. C’est un régal de voir le site où Kurdy et Jeremiah ont emménagé avec la tante Martha (modèle de celle-ci, la propre mère d’Hermann qui a été séduite par les témoins de Jéhovah … au grand dam du dessinateur qui montre ici son dédain pour la bigoterie). C’est également un régal de voir Kurdy paisible cultivateur de salades (au moment où Stonebridge apparaît), rester malgré tout le Kurdy méfiant, malin et observateur à l’ironie aiguisée. Et c’est aussi un régal de voir le site à l’abandon où Stonebridge entraîne Kurdy pour leur rendez-vous mystérieux avec le professeur dirigeant la clinique.
Une BD qu’on se surprend à rouvrir, rien que pour profiter à nouveau de quelques superbes vignettes, comme aux planches 7-9-13-15-24-25. De manière générale, Hermann utilise des cadrages et une progression très cinématographiques, et ceci à bon escient. Une BD faite aussi bien pour le plaisir de l’action que pour son esthétique : l’organisation des planches est basée sur 3 bandes, avec d’innombrables variations en fonction des besoins. Du beau travail.