Malgré des dessins extrêmement séduisants au style hyper-léché et des couleurs éclatantes, cette BD au climat déroutant pourra rebuter certains, peut-être même des amateurs de la série. Pourtant c’est une de mes préférées et ce malgré l’absence totale de Kurdy.

En effet, Jeremiah a abandonné Kurdy au profit de la belle Lena à la fin de l’aventure précédente. Les raisons en sont évidentes, Kurdy l’a trahi et il est amoureux fou de Lena. Amour quand tu nous tiens…

C’est l’hiver, un hiver particulièrement rude avec une belle épaisseur de neige. Jeremiah et Lena voyagent dans une région qu’ils ne connaissent pas. Ils sont sur le cheval de Jeremiah, Lena a bout de forces. Un poteau indicateur les égare en pleine forêt où ils tombent sur un homme en fuite, lui aussi à bout de forces. Celui-ci ne les menace pas longtemps…

Jeremiah grimpé au sommet d’un arbre a repéré la mer non loin. Avec Lena, ils se dirigent vers la côte et observent un bateau à quai, bateau visiblement occupé. Il y a de la vie dans le coin, sauvés ! Oui mais, à bord ils font la connaissance d’un groupe aux mœurs étranges. Apparemment, ce groupe est dirigé par un homme qui se fait appeler le maître. Les autres membres du groupe semblent beaucoup s’amuser, mais leurs jeux sont particulièrement cruels. Parmi eux, Sylvester un nain qui se déplace sur une sorte de traineau des neiges à moteur et roues à aube (voir la couverture).

Lena et Jeremiah vont rapidement se sentir très mal à l’aise au sein de ce groupe. Mais on ne part pas de ce bateau comme ça, car une passerelle fait office de pont-levis. De plus, ils font la connaissance d’une fillette qui semble vulnérable : elle attend le retour de ses parents dont le maître dit qu’ils sont partis pour un long voyage…

Cette BD est de celles qu’on rouvre régulièrement quand on la connaît. La collaboration entre Hermann (dessin, scénario) et F. Raymond son coloriste atteint la perfection. Chaque planche est un régal. Le blanc de la neige domine et il sert de fond pour mettre en valeur les autres couleurs. Les occupants du bateau sont en fête perpétuelle (une fête certes bien étrange) et les couleurs éclatent, jusque celles des mouettes. Un aspect irréel voulu, pour donner une ambiance où le lecteur sent que quelque chose cloche, car tout est trop beau pour être vrai.

Le vrai point positif, c’est que cette fois Hermann a réussi à créer un personnage extrêmement ambivalent en la personne du maître. Sylvester également est ambivalent. Hermann a su dépasser son malheureux penchant pour le manichéisme et c’est très réussi. Même Lena est montrée dans ce sens. Bien que charmante et folle amoureuse, elle reste capricieuse. Elle le reconnaît ce qui ajoute à son charme. Évidemment Jeremiah fond. Il se démène pour faire en sorte que sa belle échappe à cet enfer à l’apparence de paradis.

D’autre part, Hermann réussit à maintenir un beau suspense en créant un climat étrange dont le lecteur ne comprend tous les aspects qu’au fur et à mesure. Le côté aventure est toujours très bien exploité. Les dialogues sont encore une fois à la hauteur et la fin particulièrement émouvante. Quant à l’organisation des planches, on aurait tendance à ne même pas y faire attention tant l’album se lit facilement. Cela montre à quel point Hermann maîtrise l’art de la narration sur le format classique de la BD franco-belge (44 planches). Du très beau travail. Et quelle inspiration ! Un climat unique. Parution en novembre 1983.
Electron
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le 9 sept. 2013

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Electron

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