J’ai découvert Nicolas Poupon il y a une dizaine d’années au festival de la bande dessinée d’Angoulême. En naviguant entre les stands de dédicace, j’avais été intrigué par les aventures de ses poissons rouges compilées dans un tome de sa série Le fond du bocal. Je m’étais offert le dernier opus paru et avait eu le plaisir de l’immortaliser par une illustration de l’auteur. En découvrant récemment une critique à propos de Une île à la mer. Cet ouvrage récemment né de la plume de Nicolas Poupon m’a replongé dans ce souvenir festivalier. L’article à propos de l’album était suffisamment élogieux pour m’inciter à me l’offrir.
Le concept de l’histoire est à la fois simple et original. Elle se déroule sur une île déserte réduite à un palmier. Elle est habitée depuis plusieurs années par un poète naufragé dont le look s’apparente sans mal à l’imaginaire qu’on peut avoir de ce type de personnage : torse nu, un bermuda déchiré, des cheveux et une barbe longs et denses. Ce solitaire forcé voit son quotidien bouleversé quand il voit arriver à la nage un colocataire, naufragé et homme d’affaire. Une île à la mer nous conte leurs aventures et leurs réflexions nées de la cohabitation forcée.
Les échanges entre les deux « locataires » sont découpés en une succession de scènes qui peuvent se lire indépendamment. Elles se déroulent sur une à trois pages. Cette structure doit découler du fait que l’album a été prépublié dans une revue. Néanmoins, le lien et la chronologie entre les anecdotes contées font qu’il apparait pertinent de suivre le sens de lecture de l’album. Pour résumer, Une île à la mer est un ouvrage qui peut se picorer mais « dans l’ordre ».
Par le choix des deux protagonistes, l’auteur oppose deux visions du monde : le poète rêveur soucieux de son prochain et le financier avide de profit à tout prix. Le ton est logiquement manichéen. Néanmoins, l’empathie ressentie à l’égard des deux iliens fait qu’il n’y a pas un gentil et un méchant mais deux personnes que seul un naufrage sur une île déserte pouvait regrouper. L’homme d’affaire est le plus actif des deux. Il est bien souvent à l’origine du gag par ses initiatives nombreuses et variées pour quitter les lieux. Le poète se contente d’avoir un regard critique et parfois condescendant sur l’agitation de son acolyte. Pour résumer, l’un accepte sa situation avec philosophie, l’autre refuse de se laisser mourir. Leur binôme antinomique fonctionne de manière efficace et sans réelle surprise.
La qualité narrative est inégale. Toutes les planches ne se valent pas. De plus, certains gags s’avèrent répétitifs car utilisant souvent les mêmes ficelles. Je pense qu’une lecture continue de l’ouvrage met davantage en valeur ses défauts. Par contre, quelqu’un qui découvrait deux ou trois pages quotidiennement sourirait plus aisément car la sensation de prévisibilité serait atténuée. Je pense que Une île à la mer est davantage un album qui se picore plutôt qu’un bouquin qu’on dévore d’une traite.
Les dessins s’accordent parfaitement avec la structure et le ton de la narration. Le style de Poupon sans être mémorable met en valeur les textes. Le côté noir et blanc de l’ensemble couplé au seul jaune des plages de l’île donne une identité graphique à l’album qui n’est pas désagréable. L’album ne justifie pas le détour pour ses illustrations mais ces dernières répondent honnêtement au cahier des charges.
Au final, Une île à la mer ne m’a pas autant charmé que je l’espérais. Je pensais trouver un ton plus décalé, j’espérais sourire davantage, je supposais être surpris lors de chaque planche. Au contraire, j’ai eu le sentiment de découvrir un écrit « en charentaise ». La lecture n’est pas désagréable mais ne m’a pas offert un moment de divertissement très intense. Bref, c’est un album qui peut se feuilleter au hasard d’une rencontre mais dont la qualité ne justifie pas de se précipiter pour lui trouver une place dans la bibliothèque…