Avec La Piste de Yéshé sorti à la fin de 2021, Cosey met fin à la série des Jonathan, né dans le journal Tintin en 1975, et qui aura connu 17 albums.
C’est l’occasion de rappeler que malgré une certaine discrétion et un succès publique discret, Cosey reste un de ces dessinateurs et scénaristes phares, acclamé par ses pairs et la critique. Kate, le tome 7 de sa saga Jonathan avait obtenu la prestigieuse récompense du meilleur album au festival d’Angoulême en 1982 et l’auteur reçut en 2007 le Grand Prix du festival, de quoi être un homme comblé.
L’artiste ayant de plus publié de nombreux livres en dehors de ses Jonathan, il peut être difficile de savoir par où commencer. Une maison de Frank L. Wright offre une intéréssante porte d’accès, puisque l’album est composé de 4 histoires courtes, pour autant d’échantillons de la patte de Cosey, avant peut-être d’en découvrir d’autres.
Sous-titré « et autres histoires d’amour », il sera bien question d’amours, d’amour différents, variables, d’amours passés ou d’amours qui auraient pu être possibles. Il est inutile de déflorer leurs histoires et leurs passions, mais la variété des couples en 4 histoires offre des récits très différents entre eux, aux protagonistes assez différents, même s’il plane autour d’eux cette même atmosphère.
Nous sommes bien loin de bluettes ou de romances Harlequin, ni même de téléfilms de l’après-midi. Il règne dans les histoires de Cosey une certaine mélancolie, une douceur parfois amère, un espoir peut-être possible mais fragile. L’espoir l’appuie avec un rythme assez lent, calme, même si le dernier épisode déroge légèrement à la règle.
Il y a un sens évident de la mise en scène chez le dessinateur suisse, dans la construction de ses planches, dans la mise en scène de ses planches. Une approche presque cinématographique, qui laisserait la place à ses personnages, à ses décors, à sa lumière ou à ses couleurs pour s’exprimer. Le trait de Cosey est pourtant assez figé, ses personnages manquent d’expression. Mais la façon qu’ils sont présentés et leurs dialogues en disent suffisamment long, laissant même de la place pour les silences et les non-dits. La colorisation est de la main de Cosey, immédiatement reconnaissable, avec ses teintes froides, ses ambiances tamisées. Ses couleurs douces reflètent la douce mélancolie de ce que vivent ces personnages.
De l’amour, mais peut-être pas celui que l’on croit, dans quatre histoires très différentes, à la fois proches du réel mais avec cet intérêt fictionnel qui ne peut être offert que par des créatifs qui ne manquent ni d’idées ni d’un certain talent pour le proposer. Cosey est un conteur, dans ses histoires et ses dessins, aux éclats de vie et d’amertume. Cet album en offre une bel exemple.