Zetman
6.8
Zetman

Manga de Masakazu Katsura (2002)

Osez ; osez seulement dire pour ceux qui l'ont lu, que vous auriez pu en espérer autant de la part de ce qui se voulait à cette époque comme l'auteur de Video Girl Aï. De cette œuvre-ci, entre autres joyeusetés du même ordre. Y'a de quoi être déphasé. Déphasé comme il faut, comme il faudrait qu'on le soit davantage. Formulons ça clairement pour que le profane saisisse l'idée générale que je cherche péniblement à véhiculer par cette seule introduction ; quand on sait de quoi est parti Masakazu Katsura¹ et lorsque l'on observe à quoi il a abouti avec Zetman, on tombe véritablement sur le cul. C'est difficile à croire qu'un brasier puisse partir d'une insignifiante étincelle et pourtant, ce sont des choses qui arrivent. Rarement de manière délibérée et encore moins pour que n'aboutisse le plaisir du plus grand nombre.


C'est parti d'une série noire, de ce que je croyais être une tentative de série noire. Quelques pages, aussi solidement charpentées que riches d'arguments auront suffi à me convaincre que le noir s'incarne ici. Non, non, point d'Omar Sy dans les fourrés, rassurez-vous ; je vous parle de cette tendre noirceur qu'on sait véritable en ce sens où elle vous bouffe de l'intérieur jusqu'à déteindre sur votre âme. C'est pas chose aisée de décrire un sentiment, mais celui-ci se vit aussi surement qu'il se lit et se contemple.


Oui, Zetman, ça se contemple aussi, ça se contemple surtout. Un régal pour les prunelles, plus encore si elles sont accoutumées aux tons sombres. Les dessins y sont somptueusement travaillés et détaillés pour mieux aboutir à un rendu réaliste qui, en empruntant quelque peu la voie d'un Naoki Urasawa, bifurque et se brutalise dans ses effets ainsi que pour ce qui est du burinage des visages.
Quant aux plans, au choix porté relativement à l'adoption de chacun d'entre eux, c'est réfléchi et idoine en diable à chaque situation donnée. Je parle pour la première fois depuis longtemps d'un mangaka que je ne crains pas d'appeler «artiste» sans user d'ironie ; la pâte Zetman prend si bien parce que le levain de son dessin est des mieux trouvés.


Et, car je suis un monomaniaque décomplexé et assumé au regard affûté, quelques traits à l'envolée m'auront immanquablement rappelés les esquisses de Togashi comptant parmi les plus récentes de son répertoire. Maintenant que je me suis abreuvé aussi goulument à cette source, je sais que c'est d'ici que Togashi a puisé pour l'élaboration de son style. Et peut-être pas seulement pour le dessin.
Certitude est faite quant à ce que je rapporte et, j'ose le dire jusqu'à me permettre un blasphème ; l'influence de Zetman sur Hunter x Hunter se sera parfois voulue d'une nature autre que celle de la stricte inspiration. Je fais notamment mention à ceci et... à cela.
Que j'en tienne rigueur à Togashi ? Vous n'y pensez pas. Cela ne se pourrait. D'abord car je suis d'une partialité aveugle le concernant, ensuite et surtout parce que cette influence exercée par Zetman sur toute autre œuvre ne peut que compter parmi les plus bénéfiques. Qu'il fut avisé pour Togashi de puiser à cette source. D'autant qu'il ne se sera pas inspiré des dessins seulement ; bien des procédés de narration rappellent la patte tardive de Togashi qui, je le réalise maintenant, marchait de longue date dans les empreintes de Katsura, un auteur de sa génération lorsque tous deux sévissaient dans le Jump alors au fait de sa popularité, amplement méritée à l'époque.
Les emprunts ne se seront toutefois pas effectués à sens unique entre Togashi et Katsura alors que des combats de monstres clandestins derrière lesquels de riches fortunes parient leur fortune sont mentionnés ; Yuyu Hakushô, furtivement, apparaît en filigrane.


Zetman, ça a débuté subrepticement, sur la pointe des pieds même, avec une histoire d'enfant aux pouvoirs surnaturels dont on suppose rapidement les expériences scientifiques en arrière-plan. Forcément, le scénario n'engage à rien ; jusque là, aucune promesse n'a été faite, mais on s'y laisse prendre. Le dessin n'eut-il pas été ce qu'il est que j'aurais probablement bien plus rechigné à poursuivre ma lecture car ce point de départ cliché n'est pas des plus appropriés pour stimuler le peu de charité dont dispose mon esprit critique. Nonobstant cela, j'ai joué le jeu et me suis montré intrigué, l'instinct comme l'empirisme me faisaient savoir qu'il y avait quelque chose derrière. Restait à savoir quoi.


Jin, personnage principal de son état, n'est pas agaçant dans son genre. Les personnages principaux enfants ont souvent ce travers, Shônens et Seinens confondus. Il est un anti-héros à demi. Il sauve la veuve et l'orphelin, mais demande un paiement en complément. Ce n'est certes pas très habile d'essayer de rompre avec le manichéisme en usant ce bête artifice, mais c'est un effort, et c'est à mettre au crédit de l'auteur.


La relation entre Jin et le vieux m'aura tout de suite frappé par le pathétique de la chose. Pathétique au sens de la première obédience, c'est à dire, dans tout ce que ce qui les lie a de touchant sans pourtant avoir à forcer la corde sensible. Il y a une réelle beauté derrière ce lien qui les unit et cette beauté vient d'une certaine pudeur dans le traitement de leur dynamique.
L'entame de Zetman ne s'éternise pas, elle présente l'essentiel et nous amène rapidement à son élément perturbateur. Le récit ne paraît pas brusqué, le rythme y est mesuré, les dessins chiadés, à ce stade je crains presque de m'attacher de peur d'être déçu, mais les chapitres du premier volume se succèdent et la lecture se sera menée bon train sans qu'on ait eu à se forcer.


Un point, au passage, ne sera peut-être rapporté que par bien peu de monde alors je m'y risque : c'est celui des costumes originaux. Notamment ceux des sweepers. Ils sont foutrement bien conçus. Assez en tout cas pour mériter que je ne pratique une incise au beau milieu de ma critique. La conception artistique en règle générale ne démérite en aucune circonstance, l'apparence répugnante des Players pourrait valoir la place de première dauphine derrière - et de peu - ce dont Miura aura su nous gratifier en la matière.


Comme prévu par ce que laissait suggérer l'intrigue, on retrouve l'antienne coutumière du laboratoire clandestin qui aura fait des expériences humaines pour finir par devoir leur courir après une fois qu'elles leur ont échappé. Mais ça passe. Ça passe drôlement bien même, la mise en scène, quand on la travaille aussi bien, est une redoutable vaseline.
Il faut dire que tout prédispose à une agréable lecture, les personnages secondaires y sont joliment brossés et le tragique du rôle est, le plus souvent, des plus délicieux. C'est vraiment une série noire, et splendidement mise en scène de surcroît. Du noir en demi teinte peut-être, mais juste assez sombre pour se vouloir plaisante.
Pour ce qui de l'intrigue, elle ne se dévoile que par petits morceaux, nous immergeant rapidement dans le grand bain pour nous y laisser afin que, peu à peu, nous puissions découvrir et comprendre dans quoi nous pataugeons très exactement
Les antagonistes quant à eux oscillent entre les modérés et les extrêmes, il y a de tout dans le panel des méchants, y compris des personnages complexes. Dans un premier temps du moins.


Du glauque ? Bien sûr qu'il y en, du sordide aussi, ma présente jubilation en atteste. Mais ça n'en fait jamais trop. Ou peut-être que si, mais que mon seuil de tolérance en la matière l'aura accepté sans jamais s'en formaliser.


Tout n'est cependant pas exempt de défaut, la coïncidence narrative, cette vieille truie, voudra que la dame de cœur du personnage principal se trouve être, incidemment, la petite-fille de sa Nemesis des premiers jours et la sœur de son rival de demain. Le monde est bien fait mais aussi particulièrement décevant par moments.
Kouga, ce rival, me rappelle Ryo Asuka de Devilman. Dans un registre autre évidemment. Vraiment, la parenté entre les deux œuvres, au regard des thématiques et du traitement du sujet m'apparaît comme indéniable. Son caractère jaloux ainsi que sa faiblesse sont un juste contrepoids à l'extrême héroïsme de Jin. J'ai comme une affection particulière pour les minables qui cherchent, malgré leur absence de pouvoir, à se hisser au rang des plus puissants par les moyens les plus détournés et même désespérés. Une vermine magnifique qui, par orgueil, se hisse au sommet sur des échasses branlantes.
La proximité avec Devilman n'est d'ailleurs plus seulement de l'ordre de l'inspiration quand elle confine à l'hommage à compter de la première transformation de Jin qui n'est ni plus ni moins que l'avatar autrefois créé par Go Nagai. Hommage et non pas plagiat, car Zetman a, malgré tout, une trame bien à lui.


À en juger par le tout premier chapitre et le retour de treize ans en arrière, Katsura avait le mérite de savoir ce qu'il faisait lorsqu'il écrivait la suite de son histoire qui, vraisemblablement, avait déjà été réfléchie en détails. Cela se sera fait perceptible et même évident au regard du rythme de la narration qui ne souffre d'aucune hésitation et s'écoule comme un long fleuve tranquille sur lequel on se laisse docilement transporter.
Amagi l'aîné, l'antagoniste initial, aura certes été présenté dans un premier temps comme un sournois pour très vite se nuancer sous les coups de burin du récit qui auront affermi les contours de l'œuvre. Il n'est pas mauvais, il n'est pas mégalomane, il a une idée de la Justice et de l'ordre qui lui est propre et qui se veut contestée par le protagoniste. Les gros sabots de la narration l'auront malheureusement doté de quelques sourires malicieux et cruels pour réaffirmer son statut d'ennemi, mais il faut savoir passer outre.


Mêlé à un fil d'intrigue qui s'épaissira lentement, la violence de Zetman y sera assez spectaculaire, d'autant plus pour moi qui me suis justement trop lassé d'une violence frénétique d'apparat comme il en figure des millions d'exemples dans Shônens multiples entre autres affidés.
Au repas, un délice de férocité sur son lit d'atrocités le tout, merveilleusement servi par le dessin ; chaque phase d'action se savoure à satiété, il n'y a rien à jeter et on en redemande le plus souvent. C'en serait presque une initiation au sadisme mais il eut fallu que je ne le sois pas déjà pour en juger objectivement.
Les quarts d'heure sociopathie se succèdent sans pour autant verser dans l'obscène et la gratuité. Comment y rester insensible ? La teneur des dilemmes et leurs issues m'auront cette fois rappelé le Kiseiju de Iwaaki avec lequel, déjà, j'avais évoqué une parenté le liant inexorablement à Devilman. Les Evol et les Players dispersés rappelleront aussi les parasites de Kiseiju dans leur manière d'agir, d'opérer et de penser, ayant chacun leur méthode bien à eux.
Alors que les thèmes se recoupent, les inspirations se précisent.


Au fond, et pour ce qui est du fond seulement, Zetman est d'un classicisme chevronné comme je le déteste en principe, mais le tout s'avère manié et orchestré d'une telle main de maître que le rendu ne peut que ravir comme il se doit. Comme quoi, un talent certain pour la mise en scène et quelques bonnes idées pour varier les plaisir suffisent à polir le charbon en diamant brut.
Les aléas et autres tracas du script tournant principalement autour des frasques des Players ou des Evols, leurs imbrications soudaines dans l'intrigue se révèlent parfois nébuleuses, difficiles à appréhender et c'est encore une fois à mettre au crédit de Zetman. Qu'on ne nous délivre pas en bouche un scénario tout cuit est un défi - certes modeste - adressé au lecteur, mais aussi une preuve d'appel à son intelligence. C'est rare venant d'un mangaka quand on sait que ses confrères tablent généralement sur le contraire.


Plus rare encore, nous suggérer des réflexions et le tout, sans sensiblerie. L'initiation que subira Kouga sera, à ce titre, l'un des plus majestueux monuments de mise en scène Seinen qu'il m'aura été donné de constater. C'est de là je crois, que l'étincelle aura abouti au brasier infernal.
L'importance prépondérante des thématiques abordées et, plus particulièrement la notion de Justice, ainsi que son interprétation, seront mises en avant le temps que Kouga ne subisse mille tourments et mûrisse à ce terme une réflexion quant à ce concept. C'est autre chose que la Justice selon Tetsuya Tsutsui. Le concept du Happy End lui, en revanche, sera aux abonnés absents du registre dans lequel s'inscrit l'œuvre. Et cela, je l'écris avec un large sourire placardé sur ma gueule.
Chaque dénouement sera un déchirement et, quand une lumière apparaîtra au bout d'un tunnel, ce ne sera pas pour vous éclairer mais vous irradier. Pour cette raison, l'arc de la fête piégée de Kouga m'aura rappelé les grandes heures de Gantz. Oui, à n'en point douter, j'avais retrouvé-là ce petit sens du sordide saignant et sans éclat qui m'aura déjà hérissé l'épiderme de plaisir par le passé.


Katsura se sera plu à tordre le cou et même à décapiter l'idéal de Justice propre, renouant avec les sains idéaux Violence Jack à une époque lointaine ; admettre le sacrifice d'une minorité pour sauver le tout, voilà des leçons que j'aurais aimées m'entendre professées plus tôt. Zetman est une consolidation de Shônen dans son principe, la formule de son aboutissement ultime. Sa version accomplie, celle qui se serait enfin déparée des oripeaux grotesques de la pureté pour mettre les deux pieds dans la réalité. C'est ce qu'il me manquait, ce que je désirais lire si âprement. Il n'est pas étonnant qu'à chaque chapitre ou presque, de tendres souvenirs de mes lectures de Hunter x Hunter venaient me percuter la mémoire, car Togashi aussi avait su se rendre expert quant à faire maturer le genre Nekketsu de sorte à ce qu'il ne convinsse à un lectorat plus adulte.


Zetman, bien que Seinen, est le chaînon manquant de tout ce qu'il y a d'ombres dans les Nekketsus que j'ai pu lire. La pièce du puzzle manquante, celle qui m'empêchait de comprendre le paysage entier sans qu'elle ne soit là ; la jonction finalement évidente entre Devilman et ses héritiers putatifs, que ceux-ci se soient assumés comme tels ou non. Rappelons, car c'est de circonstance, que Devilman, en dépit de l'extrême violence de son propos était un Shônen à l'époque de sa parution et que, par conséquent, le glissement catégoriel justifiant aujourd'hui l'appellation de certaines œuvres comme Seinen leur aurait valu d'être acceptées comme Shônen en des temps jadis. Un temps où on ne craignait pas de brusquer un jeune lectorat, parfois trop, mais toujours à raison.
Il est des séries dont on se repaît à la seule fin de se distraire et puis il y a les œuvres, les vraies, celles dont on se souvient et qui ne nous quittent jamais. Zetman ne divertit pas, il enchante : il enchante comme une mélopée macabre dont la beauté de la symphonie n'a d'égale que la terreur froide qu'elle met en musique.
Un Shônen finalement dépourvu d'hystérie, doté de décence et de tempérance ; la juste mesure de tous les ingrédients habituellement mis à contribution. De même que ce qui distingue le poison du médicament est une affaire de dosage, ce qui distingue une histoire comme celle du désastreux Tokyo Ghoul entre autres quasi-Shônens et Zetman est, là encore, une affaire de justes proportions.
Manga astucieux qui plus est. J'en veux pour preuve la superbe et ingénieuse méthode visant à dépeindre et expliquer les origines des humains artificiels. La finalité est certes la même que dans beaucoup d'œuvres reposant sur cette ficelle scénaristique, mais que l'auteur ait pris tant de soin pour les élaborer depuis leur principe élémentaire a vraiment de quoi ravir, de quoi avoir l'impression que, pour une fois, l'auteur s'investit et croit - figurativement j'entends - en ce qu'il veut vous raconter. Une passion sans heurt et sans cri se témoigne dans les planches qui nous sont livrées, comme ce brasier dont les flammes sont couvertes mais le crépitement audible et la chaleur envahissante.


Certes, je lis ce que j'ai lu ailleurs, ce que j'ai lu et méprisé, mais je lis ici la version ultime de toutes ces trames que je croyais trop usées pour seulement savoir plaire, la version qui aura su les mettre réellement en valeur avec un travail d'écriture et de mise en forme dont les efforts entrepris afin de crédibiliser le récit sont perceptibles d'une case à l'autre.
Le tragique y est étincelant. Quand, d'ordinaire, les Flash-Backs m'arrachent à chaque page un long soupir de désolation, j'ai dégusté - car c'était exquis - ce que l'auteur nous aura offert si généreusement avec l'origine des Players. Jamais une histoire de savant-fou ne m'aura paru si vivante et prenante. Le bon Docteur Frankenstein n'avait pas le dixième du charisme et des motivations de Jirou pour justifier sa légende.


Autre sujet prêtant à la louange - encore un - le personnage principal n'est pas constamment mis sur le devant de la scène et son pouvoir sera constamment bridé afin d'éviter les débordements habituels. Quand je dis que tous les travers du Shônen sont évités ici tout en respectant la structure du genre, je ne fais pas d'erreur.


Quelque part, Zetman se veut une histoire infantile sous une plume adulte, un équivalent de Pluto dans son genre, une de ces œuvres rares d'où la noirceur sera extraite du frivole. Comme quoi, même une banale histoire de héros peut dévoiler son plein potentiel pour peu que l'on ait de la suite dans les idées. Certains pourraient en prendre de la graine. Ils ne le feront pas, mais ils le pourraient.
Et pour mieux agrémenter cette thématique pour enfants, de bonnes idées techniques, comme l'aérosol qui ôte l'oxygène du feu afin de le priver instantanément de comburant. Le manga a droit à des richesses disséminées à tous endroits. De quoi le crédibiliser ce qu'il faut pour lui donner une réelle épaisseur. Ces créations techniques, on déplore qu'il n'y en ait pas eu tellement plus avant qu'on ne s'embarque avec la combinaison Iron Man. Berserk aura eu sa combinaison Batman... avec ce qui l'aura accompagné au regard de la trame. La qualité de cette dernière notamment.
Le chant du cygne, dans le monde du manga, est pareil à la cacophonie d'une oie qu'on étrangle. Étouffés au loin, j'ai le sentiment d'en reconnaître les cris.


La proximité avec Gantz se poursuivra, cette fois pour notre plus grand malheur, avec Tanaka et la copine de Kouga qui assumeront le rôle Tae-chan de service. En version supportable - néanmoins horripilante. Ces Tae-chan-ci auront ça d'appréciable qu'elles s'avèreront infiniment moins envahissantes que la femme-trophée typique rattachée au protagoniste bien que, toutefois, trop souvent disposées à jouer le rôle de damoiselle en détresse sans apporter suffisamment en contrepartie. D'autant que le triangle amoureux autour de Jin est des plus dispensables ; le papier aurait pu être mis à bien meilleure contribution qu'à nous rapporter ses amours. Oui, décidément, je ne m'y trompe pas alors que les indices se font plus nombreux ; c'est Gantz qui recommence et cette fois, pas pour le meilleur de ce qu'il avait à offrir.


Je tenais une œuvre digne de figurer dans mon top manga ; la consécration était absolue. Sa note moyenne SensCritique était pour moi une honte, un scandale, une disgrâce.
Que certains aiment se délecter d'étrons jusqu'à en devenir un eux-même, cela se conçoit, pire encore, cela s'observe. Mais que ces lecteurs, devenus aussi exécrables que le contenu d'œuvres n'ayant que trop déteint sur eux, se permettent de ternir l'éclat de ce qui brille de mille feux d'un clique est abject.
Cela, je l'aurais écrit avec conviction si j'avais su stopper ma lecture en temps voulu.
«Soit on meurt en héros, soit on vit assez longtemps pour devenir le méchant». On aura prêté vie à Zetman plus longtemps qu'il n'aurait mérité.


Car, après une longue période d'excitation, la passion s'estompe, elle laisse place à la routine, au train-train. Rien de rebutant en soi, mais rien qui ne donne spontanément envie de suivre ce qui nous est proposé. Perdu quelque part entre l'excitation et l'ennui, j'ai emprunté la voie de la lecture par habitude plus que par réel envie. Dépourvu de la garniture qui lui donnait ses atouts, les poncifs Zetman se seront faits plus explicits, moins discrets. L'amourette ou plutôt, les amourettes, auront joué pour beaucoup à nourrir un vague sentiment de lassitude entremêlé de maigres regains d'intérêt. L'élan pris par l'auteur fut conséquent, la projection de son œuvre plus fabuleuse encore mais, une fois le rythme de croisière atteint aux alentours de la moitié du récit, la torpeur guette et la banalité s'installe un peu plus confortablement à chaque chapitre qui passe.


Ça s'affaisse plus que ça ne s'effondre à vrai dire. Je ne lui trouvais plus aucune accointance avec HxH, simplement avec Ajin et Tokyo Ghoul dont les points communs se faisaient maintenant plus nombreux et probants. C'est leur trajectoire qu'empruntait Zetman, celle qui se termine dans les poubelles de l'histoire.
On aura même droit à un bout de partition Evangelion. La pire qui soit, évidemment. Celle où Shinji ne veut pas monter dans le robot et où Jin ne souhaite plus être Zet. Oui, décidément, les poncifs du genre sautent aux yeux jusqu'à les faire saigner profusément.


Quand, en parallèle, les nouveaux antagonistes principaux - des ténébreux dépourvus de la moindre once de charisme - admettront avoir comme principale préoccupation.... de dominer le monde, j'ai su que l'affaire était rendue. Zetman n'était finalement pas le Graal. Mais de loin, ça y ressemblait quand même drôlement.


En prime, une histoire de joyau rouge servant à faire avancer l'intrigue entre en scène. Tout cela n'est pas sans rappeler Battle Tendency. Le paysage qui se dessine devant nous est connu. Trop connu.
Tous les stéréotypes du genre que l'œuvre n'avait jamais eu la bêtise d'embrasser à pleine bouche ont rattrapé les ébauches de Katsura, maintenant plus impersonnelles que jamais. Même le dessin y a laissé une partie de sa substance, tout, de l'intrigue au crayonné, ne répond plus qu'à une exigence fonctionnelle de son auteur : la rédaction est entrée en mode pilotage automatique.


Une fois encore, je vivais l'expérience traumatique de l'Habitant de l'Infini. Même schéma, mêmes sensations, même déception à l'arrivée.
Tout avait si bien commencé pour terminer avec des méchants au physique d'adolescent en pleine période Depeche Mode qui rient à gorge déployée en se targuant de vouloir dominer le monde.


Je devais faire mon deuil de l'œuvre à chaque nouveau chapitre.


Pire que mauvais, ça en sera devenu quelconque.
Katsura a reconstruit par dessus son travail de déconstruction de la figure héroïque dans le Shônen. Comme si la nature, la mauvaise nature inhérente aux Shônens contemporains avait repris ses droits, que le naturel était subitement revenu au galop pour mieux piétiner le lectorat sous les sabots de l'intolérable cavalerie des poncifs.
Afin d'en conserver les meilleurs souvenirs, je conseillerai à ses lecteurs en devenir de ne surtout pas poursuivre au-delà de l'arc de la crevette qui, déjà, traduisait un début de déclin dans l'œuvre.


Tout cela se terminera évidemment en un gloubi-boulga confus et agité avec monstre géant à la clé comme je l'ai trop souvent observé. La chute - car on a largement outrepassé le stade de l'affaissement - me rappellera l'arc final de Gantz, la ressemblance aura été poussée jusqu'à cette sordide extrémité ; c'est un massacre de cette magnitude-ci dont vous serez témoins. Soyez préparés si vous vous risquez à la lecture.


Finalement, ça se paye le culot de clôturer l'affaire avec un adage dont la platitude n'a d'égale que insipidité du propos à un point où l'on pourrait s'attendre à lire la même chose au creux d'un biscuit chinois. Quelle dégringolade. L'envie n'y était plus. Celle de l'auteur d'abord, celui de son lecteur ensuite. Une idylle sans amour s'achève par une rupture sans passion, un «au revoir» blasé et déçu en conclusion, nous amenant bien tôt à passer à autre chose, comme si cette parenthèse - pourtant enchantée à ses prémices - n'avait jamais eu lieu d'être. Un déchirement dans l'indifférence en guise d'adieu, sans bruit, sans larme et sans sanglot, mais avec un de ces soupçons d'amertume qui vous restent dans la gorge pour longtemps encore.
Zetman, ça aurait pu être une histoire splendide à condition d'avoir su freiner avant le virage.


¹. Ce n'est pas Zura, mais Katsura.

Josselin-B
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le 14 févr. 2021

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Josselin Bigaut

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