Quelque part entre "Mad Men" et "Desperate Housewives", nous voilà, au début des années 1960, plongés dans le quotidien mouvementé de Josie Schuller, une mère de famille qui ne se contente pas d'élever sa marmaille, de préparer des petits plats pour son mari et d'endurer les humeurs de sa belle-mère : en plus de tout cela, Josie trouve le temps d'être... tueuse à gages !


Quand Josie joue la représentante de commerce, ce n’est pas pour arrondir les fins de mois de son ménage, pour égayer ses journées désœuvrées, ou pour visiter le voisinage. Non, quand Josie joue la représentante de commerce, c’est pour approcher une cible, sa prochaine victime, sa cliente au sens le plus mortel du terme. Car quand Josie joue la représentante de commerce, il ne s’agit que d’une couverture pour mener à bien le contrat dont on l’a chargée.


Deux emplois du temps terriblement serrés à concilier pour Josie, donc. D’une part mère irréprochable et épouse dévouée, dans une Amérique d’après-guerre de la consommation et du progrès où la femme est avant tout tournée vers son foyer. D’autre part, des contrats donnés par une mystérieuse agence pour éliminer tel ou tel individu. Sauf qu’à un moment donné, ces deux vies en viennent à se télescoper conduisant Josie à prendre des mesures drastiques pour sauver ce qui peut l’être.


Il y a deux véritables points forts dans cette série proposée par Joelle Jones et Jamie S. Rich.


Le premier réside dans le portrait de femme brossé à travers le personnage de Josie. Housewife sortie de sa cuisine et de son voisinage pour aller étrangler, poignarder, ou fracasser les cibles qu’on lui désigne. Femme puissante s’il en est, évitant ou détournant les clichés de la femme fatale pour verser le plus souvent dans une violence brute et crue assez rafraîchissante.


Le second tient au cadre instauré et à l’atmosphère mise en place. Cette Amérique familiale triomphante des années 1960 est ici reprise dans un version comme pervertie par une pulsion de mort débordante qui s’exprime à travers une succession de crimes accomplis de manière jubilatoire. C’est à la fois intéressant dans les reconstitutions des procédures (sommaires, mais typées) de l’époque et drôle par le décalage ainsi ménagé.


Malheureusement, Lady Killer souffre aussi de quelques limites, du côté de l’intrigue notamment. Il y a un sérieux souci de motivation des différents protagonistes et de mise en place du contexte dans lequel cette face cachée de l’Amérique se situe exactement.


Pourquoi et comment Josie s’est-elle retrouvée à jouer la tueuse ? Nous ne le savons pas encore. Qui sont ses employeurs ou ses victimes ? Rien non plus pour l’heure. Pourquoi se retrouve-t-elle soudainement menacée ? Cela semble vraiment très léger. Pourquoi ses opposants attendent-ils finalement qu’elle se prépare et passe à l’action elle-même ? Pour les besoins de l’histoire, manifestement...


Il y a clairement des rouages qui ne tournent pas rond dans la mécanique narrative de Lady Killer et c’est bien dommage. Car ces petites incohérences empêchent de s’immerger complètement dans l’univers créé et de se projeter, pour l’instant, à l’issue de ce tome 1, dans ces personnages. Il y a pourtant là une matière très prometteuse dont on espère qu’elle prendra véritablement forme au-delà de l’idée de départ.


Chronique originale et illustrée sur actuabd.com

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le 6 août 2016

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