Oui, encore un Lemire...je deviens prévisible, et puis je vais l'assumer. Encore une fois j'ai payé sans réfléchir, peut-être même de façon un peu plus dynamique que la dernière fois parce que je trouve la couverture magnifique, à l'image des planches et pages de ce roman graphique. Parce que oui, sur ce livre Jeff Lemire associe sa plume à celle de Scott Snyder (plus connu pour ses histoires riches en testostérone, de Batman à American Vampire) pour nous offrir un roman plus qu'un comics. La majeure partie des pages sont des textes sublimement mis en page et c'est peut-être le format qu'il fallait pour mettre en avant les qualités d'écrivain que l'on devine habituellement derrière les phylactères.
L'histoire part d'un souvenir de Jonah Cooke, héros malgré lui d'une vie tourmentée par des tragédies banales. Son premier souvenir est celui de sa mère faisant un malaise. Sa vie entière lui parait tourner autour de cette angoisse. Homme mûr dans une société futuriste où l'homme a guéri de la mort il se focalise sur le souvenir, la valeur des objets et des âmes...enfin, il cherche à comprendre ce qu'il y avait, après la mort, du temps où elle existait encore. Les souvenirs bons ou mauvais sont devenus monnaie d'échange : accepter de ne pas mourir oui, mais dans ce cas il faut aussi apprécier de ne pas laisser de traces.
Encore une fois, le thème de la tragédie familiale est au centre du scénario...pour situer le livre dans l'oeuvre de Lemire je trouve qu'on est entre la tranche de vie de Winter Road ou Essex County et l'anticipation SF de Trillium. Dans l'histoire ou sur le papier, Lemire jongle entre le plein et le vide, entre le blanc de la page et les couleurs que l'on peut y mettre. Sur les pages l'espace comme le temps sont toujours des enjeux cruciaux. Le résultat est sublime, émouvant...face aux personnages de Lemire on se sent fragile. Les autres, le monde, tout est faillible, tout à une fin...mais c'est rien. Ca peut être beau, et rassurant.