À la maison des femmes
7.8
À la maison des femmes

BD franco-belge de Nicolas Wild (2021)

Un projet innovant contre la violence faite aux femmes

Après l’Afghanistan (« Kaboul Disco ») et l’Iran (« Ainsi se tut Zarathoustra »), Nicolas Wild est allé cette fois traîner ses guêtres dans un endroit beaucoup moins exotique, la Seine Saint-Denis, une destination qu’il n’aurait peut-être pas forcément choisie au départ et qui ne fait pas toujours rêver, avec comme point d’encrage cette « Maison des femmes », structure d’accueil pour femmes en détresse coincée entre l’Hôpital Delafontaine, des barres d’HLM et une bretelle d’autoroute. Un sujet pas vraiment sexy d’emblée et pourtant… on comprend rapidement dès les premières pages pourquoi Nicolas Wild a été convaincu d’en faire une bande dessinée, sur proposition de Nicolas Grivel, « agent littéraire spécialisé en bande dessinée » rencontré au hasard des salons.


Ainsi, l’auteur va nous faire découvrir cette Maison des femmes, sorte d’oasis au milieu d’un environnement pas des plus riants mais qui en fait ressortir d’autant plus l’unicité. Un véritable havre de paix pour des femmes qui ont vécu des expériences traumatisantes : violences conjugales, mariages forcés ou excision… Ces femmes sont prises en charge par une équipe très soudée de professionnelles où toute présence masculine reste exceptionnelle mais tolérée. Seuls deux hommes faisaient partie d’une équipe d’une vingtaine de personnes à l’époque où Nicolas Wild fréquentait le lieu.


Ce dernier était donc loin d’être en terrain conquis, mais sa présence de gentil bédéaste a été facilement acceptée, et si au début il a été quelque peu ébranlé par la dureté des témoignages dont certains ont été retranscrit dans l’ouvrage, il a été vite séduit par l’ampleur de ce projet ambitieux et enthousiasmant, mais aussi par l’ambiance chaleureuse et solidaire qui règne en ces lieux.


Pour évoquer son expérience, Wild va se mettre en scène comme il l’avait fait avec ses précédents opus. Une formule qui, à la manière d’un Guy Delisle, fonctionne très bien et confère une certaine authenticité au documentaire. L’humour candide et l’autodérision propre à l’auteur permet aussi d’insuffler un peu de légèreté à des propos âpres que parfois on a presque peine à croire. Le découpage en chapitres aère également la lecture, chacun d’entre eux étant consacré à l’une des protagonistes du livre, principalement des professionnelles ou des patientes livrant leur témoignage. On retiendra notamment celui de Sophie, dont des extraits de la bande dessinée qui lui a permis de raconter son calvaire conjugal tout en le tenant à distance, ont été insérés dans l’ouvrage. Comme il l’a prouvé avec ses précédents opus, Nicolas Wild sait nous prendre par la main pour nous emmener vers des contrées pas des plus engageantes, sans qu’on ait à le regretter une seule seconde, bien au contraire. Et ça, c’est un talent qui n’est pas donné à tout le monde !


Vous l’aurez compris, « La Maison des femmes » est une lecture chaudement recommandée par votre serviteur, non seulement pour toutes les qualités de l’ouvrage énoncées plus haut, mais aussi grâce à l’admiration que l’on peut ressentir en découvrant qu’un tel projet ait pu voir le jour, un projet évitant aux patientes le dédale interminable de formalités administratives, et parfaitement résumé de la bouche même de Ghada Hatem : « Notre volonté, à la Maison des femmes, c’est que chaque personne qui arrive avec un problème reparte avec une solution ».

LaurentProudhon
8
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le 5 nov. 2021

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