Un titre magnifique et bouleversant!
A Silent Voice, c’est mon gros coup de cœur du moment. Et je n’ai qu’une hâte : pouvoir enfin le tenir dans mes mains. Ce titre est super à plusieurs égards. J’espérais une licence, mais je ne pensais pas qu’elle allait arriver très prochainement. C’est donc avec beaucoup de joie que j’ai accueilli cette nouvelle des éditions Ki-Oon.
Difficile de résister à ce titre sensible, dramatique (voire tragique par moment) mais qui arrive aussi à se montre drôle. Il faut dire que la mangaka fait un travail remarquable sur ses personnages les rendant tout à la fois attachants, mais surtout très humains.
Avant de se lancer dans la critique pure, il convient de revenir sur le parcours de Koe no Katachi (j’aime bien aussi la sonorité en japonais). En effet, ce titre a connu une publication un peu compliquée. La mangaka se fait remarquer très tôt, ce qui lui vaudra le prix Kôdansha. Mais le problème, c’est que le traitement de ce manga a été jugé comme étant sensible. Il faut dire que des thèmes sociaux assez lourds y sont évoqués. C’est seulement à partir de 2011 que l’on peut découvrir le one-shot A Silent Voice. D’ailleurs, le début du titre donne clairement l’impression qu’on va avoir un one-shot (mais il faudra voir si Ki-Oon mettra ce premier jet). Une one-shot qui ne manquera pas d’être acclamé par un large public. C’est grâce à cela qu’une série en 7 tomes a pu voir le jour. A Silent Voice a remporté des distinctions permettant au titre de se faire une place au sommet des titres les mieux vendus. Ainsi, il est arrivé en tête des votes des lecteurs dans le Weekly Shônen Magazine, et dernièrement il a remporté le prix Natalie. Et peut-être pour les plus attentifs, il a souvent été dans le classement Oricon. J’ai commencé à suivre ce titre parce que je le voyais souvent bien classé et les critiques en anglais que je pouvais lire me donnaient envie de m’y plonger. Et c’est réellement sans regret.
On sait que le thème du handicap n’est jamais très aisé à aborder dans les mangas. Et la particularité d’A Silent Voice, c’est que la mangaka ose aborder les tabous toujours en restant pour autant assez juste dans sa façon de les évoquer. J’ai été très surprise de lire un titre sur la surdité, sans doute parce que c’est mon premier titre. Mais plus loin que ce simple handicap physique, la mangaka ne manquera pas d’aborder de nombreux handicaps sociaux que j’évoquerai un peu plus bas, mais je pourrais pas non plus tout dire d'une part pour les "spoils" et d'autre part parce que sinon, ce pavé ne finirait pas. Preuve de l’implication de la mangaka dans ce titre : c’est qu’il a été supervisé par la fédération japonaise des sourds. Et on ressent réellement que la mangaka ne souhaite rien laisser de côté.
C’est sans doute pour cette raison que l’on a un traitement progressif. La première partie du manga se concentre sur la dernière année en primaire de Shôko et Shôya. Le contexte est assez clairement dépeint. Ce qui est saisissant au premier abord, c’est la réaction des élèves quand ils constatent le handicap de Shôko. Quand on y réfléchit, ils ont une réaction propre à des enfants qui ne comprennent pas vraiment. Mais c’est malheureusement cette peur qui va entraîner le calvaire de Shôko sous la conduite de Shôya. De manière assez dramatique, la mangaka passe en détails tout ce que vit Shôko dans cette nouvelle classe : le rejet de ses camarades, les brimades qui s’enchaînent et surtout le plus affligeant sans doute qui réside dans l’incapacité à se faire comprendre. On arrive à saisir qu’il aurait suffi d’un geste d’un des élèves de la classe pour que la problématique soit totalement différente. Le personnage de Shôya s’avère assez détestable, mais quelque part, on se rend compte que si on ne lui avait pas donné un tel poids (en tant qu’instigateur de toutes ces brimades), les choses auraient pu être différentes là encore. C’est parce qu’il est soutenu par toute une classe que les choses prennent des proportions immenses. Ce qui est le plus remarquable, c’est qu’en dépit de tout ce qu’elle subit, Shôko ne baisse jamais les bras. Elle reste assez stoïque mais également souriante car elle ne cesse de chercher l’intégration. On voit déjà que deux mondes différents sont présents : le handicap cloisonne quand le non-handicap "donne" la supériorité. Et même si les choses ont évolué, c’est un aspect qui fait encore écho aujourd’hui. On arrive très facilement à voir des situations actuelles dans ce que vit Shôko. En outre, si Shôya se comporte ainsi, c’est parce qu’il n’arrive pas à comprendre pourquoi Shôko réagit de la manière dont elle le fait. C’est parce qu’il est face à un mur qu’il ne cesse de la provoquer, comme s’il cherchait à la faire réagir.
Cette réaction va survenir de la mère de Shôko entraînant un retournement de situation inattendu, qui d’une certaine façon, m’a rappelé Life. Ce changement va aussi marquer le début du calvaire de Shôya qui de leader va devenir la victime. Là encore, on voit combien on peut facilement conditionner la réflexion d’enfants. Il suffit d’un élément pour que tous les camarades de Shôya se retournent contre lui alors qu’ils sont loin d’être innocents. Même si Shôya a commis des actes peu glorieux, je dois avouer que je n’ai pu m’empêcher d’avoir de la compassion à son égard : tout lui retombe dessus d’une manière très vile. Le personnage se rend compte que le mot « ami » ne signifie pas forcément grand-chose et c’est ce qui va le conduire à dresser une barrière avec laquelle il va se protéger : en effet, il va alors choisir de barrer le visage de ses camarades. C’est une des particularités de ce manga d’ailleurs et il ne faudra pas vous en étonner : certains personnages n’ont pas de visages. Ils sont tout bonnement barrés pour montrer le monde que s’est construit Shôya et la manière dont il a évolué. J’ai trouvé ce concept surprenant mais très intéressant également car c’est le personnage qui choisit d’enlever cette croix ou non quand il l’estime.
Une fois que l’on a passé le stade de l’école primaire, on fait un petit bond pour arriver aux personnages cinq ans plus tard. J’ai été saisie par la nouvelle rencontre entre Shôko et Shôya. On comprend tout de suite que l’histoire va prendre un nouveau tournant. Il y a presque un arrêt sur image quand Shôya reconnaît Shôko. Pendant cinq ans, on constate que le personnage s’en est toujours voulu de ne pas avoir cherché à comprendre Shôko et c’est pour cette raison qu’il va s’employer à devenir son ami. On pourrait penser que devant ce qu’il a fait, le pardon sera dur à être accordé mais le caractère de Shôko aide beaucoup pour faire accepter ce personnage, à présent, assez torturé. Cette relation est parfaitement mise en avant dans le manga. Petit à petit, les deux personnages vont apprendre à s’ouvrir l’un à l’autre et Shôya redoublera d’efforts pour que le sourire de Shôko soit toujours préservé. Ce rapprochement amical inattendu va se muer au fur et à mesure en des sentiments. Bien sûr, dans la mesure où le handicap est très présent, il y aura de nombreuses incompréhensions entre les deux adolescents, mais cela rend leur relation encore plus extraordinaire. J’ai été touchée par certaines de leurs réactions. Du côté de Shôya, le personnage commence enfin à s’ouvrir et à être moins isolé. Il faut dire que son expérience du primaire a eu raison de lui. Il est devenu incapable de faire confiance à qui que ce soit (les croix sur les visages…). Aussi, l’acceptation de Shôko est réellement une bénédiction car on va le voir évoluer positivement, même si le personnage sera parfois freiné par les réactions des autres voire par lui-même. En effet, Shôya ne parvient pas encore réellement à oublier ses démons et parfois, on voit le personnage dans une telle culpabilité que cela en est assez douloureux. J’ai souvent pensé qu’il faisait exprès de ne pas percevoir les sentiments de Shôko parce qu’il ne peut pas envisager qu’il y ait plus entre eux. Pour lui, avoir son amitié est la plus belle preuve de sa rédemption. Du côté de Shôko, c’est un personnage que j’adore. Elle est souriante, elle accepte, sans éprouver de la rancune, l’amitié de Shôya et surtout, elle cherche toujours à lui faire comprendre les choses. Je suis curieuse de voir comment la romance va prendre le pas sur l’amitié. Il y a quelque chose de très mignon qui se dégage de leur relation mais je n’en dirai pas plus vous laissant le soin de découvrir la suite.
Pour autant, il demeure toujours des zones d’ombre… En effet, derrière le sourire de Shôko se cache pas mal de drames. En premier lieu, des drames familiaux. La mère de Shôko apparaît comme une personne assez froide et triste, mais quand on comprend ce qu’elle a vécu avec le père de Shôko, on arrive facilement à expliquer son comportement. La mangaka amenant de manière assez judicieuse de nombreux flashback, cela nous permet notamment de voir le poids qui pèse sur la mère au Japon quand il s’agit des enfants. J’avais déjà eu un aperçu avec certains dramas, mais ici, on ne peut être qu’émus.
Finalement, je me suis prise d’empathie pour cette mère courage. Elle ne montre jamais rien mais dans le fond, elle aime énormément ses filles et est prête à tout pour elles. Il y a une certaine cohésion dans cette famille. La petite sœur Yuzuru est un personnage que j’apprécie beaucoup. Au début, elle ne supporte pas Shôya qu’elle ne cesse de blâmer. Mais devant la sincérité et les efforts de ce dernier, elle va commencer à l’accepter (de même que la mère qui lui en voudra pendant un moment néanmoins). En outre, lors d’une nouvelle épreuve familiale, Shôya va lui être d’un réel réconfort. Elle est la première à remarquer les sentiments de Shôko pour lui et deviendra une alliée assez précieuse.
Toutefois, il reste certains malaises qui donneront lieu à des actes dramatiques où on touche aux drames sociaux. Cela va notamment arriver à partir du moment où un noyau amical et social va se créer. En effet, petit à petit, Shôya va commencer à retirer certaines croix devant des visages. Je ne vais pas m’étendre sur tout le petit groupe que je vous invite à découvrir et à juger par vous-mêmes. Au départ, j’ai pensé que les choses prenaient enfin une bonne direction aussi bien pour Shôya que pour Shôko. Mais comme je l’ai dit ci-dessus, le handicap n’est jamais occulté et les souffrances qu’il peut occasionner également. Quand on pense que Shôko va bien, c’est là que l’on se trompe. De manière à la fois subtile et pernicieuse, la mangaka va montrer comment le malaise va ronger la jeune fille jusqu’à la conduire à prendre une décision qui ne manquera pas de choquer (comme c’est un gros spoiler, je ne l’évoque pas). Le moment que j’ai particulièrement apprécié pour évoquer ce malaise, c’est lorsque la mangaka choisit de changer la thématique de son manga
Et comme pour contrebalancer ce chapitre, elle va choisir de prendre le point de vue de Shôko (un moment remarquable d’ailleurs) :
J’ai été touchée voire attristée car quand on entend, on n’arrive pas à se mettre à la place d’une personne qui n’entend pas. Et j’ai trouvé que c’était une initiative judicieuse et compliquée pour la mangaka à mettre en place. Mais le résultat est saisissant.
La famille est assez importante dans ce manga, que ce soit celle de Shôko ou Shôya. J’ai beaucoup aimé le fait qu’on cherche à les impliquer dans ce que vivent les deux personnages.
Ajoutons que pour donner beaucoup plus de crédibilité aux personnages, ils s’expriment souvent avec le langage des signes. Bien évidemment, tout cela est retranscrit et parfois, Shôko s’exprime à travers un cahier (ne pas lire si vous attendez la sortie).
Cela pourra surprendre, mais c’est dans ces moments que l’on perçoit la culpabilité de Shôya. En effet, incapable d’assumer totalement ce qu’il a fait et sachant qu’il ne pourra pas revenir en arrière, il a choisi d’apprendre le langage des signes durant ces cinq années.
La seule petite faiblesse du manga (et encore, je chipote), c’est le graphisme. Je ne peux pas dire qu’il soit si élégant, mais j’aime tellement le manga que cela m’importe peu et finalement, j’ai appris à l’aimer. Certes, je pense qu’on reprochera un peu ce trait, mais quand on lit l’histoire, je vous assure que cet élément passe bien après.
Le plus navrant dans tout cela, c’est que j’ai évoqué seulement quelques aspects de ce titre. J’ai trouvé que je m’étendais déjà tellement que je devais bien laisser quelques pans à votre charge.
A lire d'urgence!!