La face sombre d'Ennis. Enfin, encore plus sombre que d'habitude.

Ce n'est pas un secret, l'œuvre de Garth Ennis repose principalement sur la guerre et la religion. Mais, loin de donner des leçons bateaux sur l'horreur de la guerre ou de jouer les subversifs à 2 balles en se moquant avec facilité des curés, Ennis entrevoit plutôt ces thématiques comme un moyen d'ausculter la société de façon plus large, en y mêlant de profonds questionnements philosophiques sans pour autant tomber dans le pensum lourdingue. Ennis n'oublie jamais de happer le lecteur, de tenir en haleine, d'offrir un véritable récit de fiction ; et A Walk Trough Hell (édité cette année en France par Black River) ne déroge heureusement pas à cette règle.

À la veille de Noël, deux agents du FBI aussi différents que complémentaires (elle est une cynique éduquée à la dure, il est hyper-sensible et engagé politiquement) sont missionnés dans un entrepôt d'où personne ne semble capable de ressortir, et qui les confrontera à des peurs d'autant plus intimes qu'elles font écho à une affaire qui les a tous deux laissés sur le carreau. Mais ce qui commence comme un thriller glauque à la Se7en dérive petit à petit, par touches insidieuses et malsaines, en visite guidée des recoins les plus sombre de l'âme humaine. La peinture passe cependant moins par des actes innommables que par les petites mesquineries familières qui en sont les fondations, et ainsi Ennis mène-t-il sa balade en Enfer vers un terminus bien plus troublant et surtout dépressif.

Difficile d'en dire plus sans spoiler, mais l'on peut néanmoins se permettre de signaler que le nihilisme d'Ennis a franchi un nouveau cap : alors que même ses œuvres les plus radicales (Punisher MAX ou Crossed) laissaient autrefois une mince lueur émerger des ténèbres, ses derniers travaux jettent un voile toujours plus sombre sur un monde envers lequel il n'a de toute évidence plus aucune estime, et qu'il autopsie pour en retirer des vérités aussi froides et acérées qu'une lame. Cela dit, rien de mieux qu'un bon coup de poignard pour ouvrir les portes de l'Enfer...