Voilà donc le film terminal de l'Histoire du cinéma, l'hommage ultime, la célébration des célébrations.
Bon.
Bon bon bon...
Comme on dit dans ces cas-là : "commençons par le commencement". En l'état, qu'est-ce que Babylon ?
Un mauvais film, incapable de développer une histoire cohérente et donc d'esquisser le moindre propos, chaque tentative de dire quelque chose tuée dans l'œuf par un montage non-sensique ou un scénario bancal. Quelques belles images ne masquent guère un magma général des plus foutraques.
Alors oui, je vois bien la finalité, je vois bien l'idée, mais je vois surtout les inspirations : Chazelle pense grand, lorgne sur le Casino de Scorsese, Once Upon a Time in Hollywood de Tarantino, ou encore Showgirls de Verhoeven. Louables intentions. Gros problème : il n'est ni Marty, ni QT, ni Paulo.
Scorsese traitait en creux d'une époque charnière, de la gloire et de la décadence du Nouvel Hollywood dans ce qui est peut-être son chef-d'œuvre tant il regorgeait de plans léchés, chaque image conçue comme un tableau de maître pour amplifier les digressions de son anti-héros.
Chazelle se dit qu'un peu de provoc' sera bien suffisante. Pourquoi développer quand on peut filmer une chiasse d'éléphant, après tout ? Le caca, c'est très signifiant voyez-vous.
Tarantino célébrait un rêve hollywoodien désuet, peut-être même illusoire ; mais il le faisait avec douceur, délicatesse, contemplation, en laissant ses persos et son décor respirer, exister pour questionner un drame qui marqua la fin de l'innocence.
Chazelle se dit qu'un peu de provoc' sera bien suffisante. Allez tiens, une partouze (somme toute gentillette par ailleurs), voilà pour la nostalgie. Et puis des gens qui gueulent dans le désert aussi, parce que décortiquer un microcosme au travers des doutes d'un personnage construit (DiCaprio chez Tarantino), c'est tout de même très surfait : beugler comme des veaux face à une caméra si épileptique que même Gaspar Noé trouverait ça dégueulbif, c'est mieux.
Verhoeven jouait l'outrance pour mieux questionner le patriarcat de l'industrie du divertissement au travers du regard de son anti-héroïne, jamais dupe et toujours alerte.
Chazelle se dit qu'un peu de provoc'... Bon, bref. Voyez où je veux en venir et non, laisser Margot Robbie faire sa Margot Robbie (dans un numéro au passage de plus en plus familier et néanmoins éreintant) ne va pas suffire à créer un perso aussi signifiant et mémorable que Nomi Malone, en dépit d'intentions similaires. Pour ça, il aurait fallu l'étoffer. Avec un scénario par exemple, c'est bien un scénario. Ça donne souvent des trajectoires aux persos, ça peut servir.
Bref. Je vais arrêter de tirer sur l'ambulance.
Au final, que dit Babylon de son sujet (le grand, l'unique, le fantasmatique Hollywood) ? Rien. Du moins rien qu'on n'ait déjà vu ailleurs, et en mieux. En plus pertinent, surtout.
Par contre, et sans doute à son corps défendant, voilà un film qui en dit long sur une époque si aseptisée que le moindre écart aussi vain soit-il est perçu comme le summum de l'audace : ça fait beaucoup de bruit, ça bouge beaucoup, pour sûr voilà qui nous change des blockbusters taylorisés... Mais le semblant de propos se dilue dans une hystérie toute contemporaine, plus poseuse qu'agitatrice. Un film bien de son temps en somme, où même l'iconoclasme est une donnée consommable.