Beaucoup de grands artistes ont leur film malade voire maudit. Une grande fresque pleine d’ambition dont le résultat n’est pas mauvais mais boiteux et souvent trop hermétique hormis pour celui à l’origine de sa conception. Damian Chazelle n’est qu’un jeune artiste mais il a déjà le sien : ce « Babylon » est en effet aussi raté que réussi, aussi déplaisant que flatteur et doté d’autant de qualités que de défauts. Malheureusement ces derniers emportent le morceau, notamment à cause d’une durée pharaonique qui viendra à bout des plus tolérants. Et puis, si le cinéaste nous a conquis avec le petit film qui l’a découvert, l’excellent et original « Whiplash » ainsi qu’avec sa comédie musicale culte mais loin d’être parfaite « La La Land », il nous a aussi profondément ennuyé avec son précédent film, « First Man », qui était terne, monotone et atone. Et si « La La Land » était un hommage à Hollywood et son âge d’or, il semblerait que « Babylon » partait sur des bases similaires mais sur ses origines, selon les dires de l’auteur. Cependant, son long-métrage ressemble bien plus à une satire voire un pamphlet de l’industrie du cinéma et de ceux qui l’ont créé qu’autre chose. Hormis, un tardif et donc très maladroit hommage final compilant un siècle de cinéma, la Cité des Anges et le monde du cinéma apparaissent comme futiles, décadent et plongé dans un hédonisme malsain.
« Babylon » semble être le croisement bancal et fou sur le fond comme sur la forme de « Gatsby le magnifique » pour les fêtes décadentes et de « Once upon a time in Hollywood » pour sa cartographie de la Mecque du cinéma. Mais auquel on ajouterait le côté complètement dégénéré, de « Requiem for a dream » pour le côté frénétique du son et des images et l’aspect glauque de certaines séquences. Cet aspect est d’ailleurs éreintant pour le spectateur. Il n’y qu’à voir la scène de fête initiale qui dure près de trente minutes avec le titre s’affichant seulement après. C’est long, beaucoup trop long, comme l’est ce film dans son ensemble. Et si tout cela est impeccablement filmé, sur la longue c’est fatigant et on sature. Surtout que le film n’a aucune ligne narrative claire et pas vraiment d’histoire. C’est une accumulation de scènes qui suivent trois personnages principaux et quelques personnages satellites dans le Hollywood des années 20 qui passe du muet au parlant. On suit donc la gloire puis la déchéance desdits protagonistes dans une succession de séquences qui alternent l’outrance (la séquence de tournage d’une scène de guerre par exemple bien trop étirée) voire le vulgaire et le ridicule (la séquence du serpent ou celle du vomi, totalement inappropriée). Mais parfois la mise en scène virtuose de Chazelle nous offre des moments de grâce (la dernière scène de Robbie) et quand le film se pose il nous réserve aussi de beaux moments très justes et bourré d’acuité, presque poétiques (le monologue de Jean Smart à Brad Pitt). Donc, entre fulgurances visuelles, instants de grâce et scènes improbables, on peut y trouver notre compte mais c’est bien trop long, boursouflé et au final cela ne raconte pas grand-chose qui n’ait été dit. Il faut avouer aussi que c’est très prétentieux, comme si le cinéaste voulait absolument faire son chef-d’œuvre et qu’il s’y était brûlé les ailes...
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