J’ai toujours su que les objets bougeaient. La série Calvin et Hobbes en est, avec mes clefs de voiture, la preuve la plus convaincante. Depuis vingt ans, je n’ai jamais réussi à conserver plus d’une nuit ces albums rangés dans la bibliothèque du salon. Invariablement, je les découvre le lendemain épars dans la maison. Je devine que les esprits forts invoqueront une influence humaine. Je n’ignore pas le rôle de mes enfants dans ce sabbat nocturne, mais ils agissent sous l’influence de plus fort qu’eux. Ces bandes dessinées ont un esprit ! Un esprit insufflé par un génie.
Bill Watterson crée ses personnages le 18 novembre 1985. Il dessinera une bande par jour, connaîtra un succès fulgurant pour, estimant son travail achevé, poser sa plume définitivement dix ans plus tard et retourner dans l’anonymat. Respect.
Son dessin est simple, mais très abouti dans les expressions des personnages et de certains décors. Très tôt, l’univers est clos. Les planches traiteront uniquement des mésaventures scolaires de Calvin, de ses rêveries aérospatiales, de ses différents avec Susie, de jeux avec la neige, de descentes de la colline en carriole, des vacances en famille et de l’angoisse de la rentrée. Son environnement se réduit à un père lunatique, caustique et souvent absent, une mère aimante mais débordée, une institutrice acariâtre, Susie la petite voisine, une baby-sitter, un camarade de classe et un tigre de peluche. Ce jouet se mue, à l’abri des regards, en tigre anthropomorphe, apprivoisé, bavard, rationnel et misanthrope.
Calvin est un petit garçon solitaire, critique et imaginatif. Livré le plus souvent à lui-même, il joue et converse avec Hobbes. Ses réflexions alternent remarques infantiles, mordantes ou faussement naïves, et ponctuellement cruelles.
Calvin est un enfant qui nous fait rire.
Calvin est un ami qui nous fait du bien.
Calvin nous est indispensable et Bill un génie bienfaisant.
« J'aime les grandes vacances d'été Hobbes, je sens déjà mon cerveau qui s'atrophie ! »