Avec Adrastée, Mathieu Bablet nous offre une épopée graphique où mythologie et introspection se croisent dans un paysage à couper le souffle. Cette intégrale se présente comme un long poème visuel, où un roi immortel, lassé de son existence, traverse le monde antique à la recherche de réponses. Et autant vous prévenir : si vous espérez des batailles épiques, c’est plutôt un marathon méditatif… mais avec des dieux bien stylés.
L’histoire suit un roi qui a tout : l’immortalité, un royaume prospère, et… un ennui mortel. En quête de finitude (et d’un peu de piquant), il décide de partir à la recherche des dieux pour comprendre pourquoi ils l’ont abandonné à son éternité. S’ensuit une traversée d’un univers antique où les paysages semblent avoir été dessinés avec une patience divine, mais où l’action est aussi rare qu’un dieu sans égo.
Le roi, personnage central, est une figure stoïque et mélancolique. Son introspection constante peut parfois le rendre un peu distant, mais c’est précisément cette froideur qui reflète son état d’âme : être immortel, c’est cool, mais être coincé avec ses pensées pendant des siècles ? Pas top. Les dieux qu’il croise, chacun campant un archétype mythologique revisité, apportent un peu de couleur et d’humanité à ce récit résolument introspectif.
Visuellement, Mathieu Bablet impressionne. Ses décors sont gigantesques, presque oppressants, et chaque case est un tableau où le moindre détail compte. Les paysages antiques, les temples démesurés, et les panoramas à perte de vue rappellent l’insignifiance humaine face au divin. Cependant, cette magnificence graphique peut aussi ralentir la lecture : on se perd parfois à contempler les cases, au risque d’oublier que l’histoire avance (lentement).
Narrativement, Adrastée est plus une réflexion philosophique qu’un récit d’aventure. Les dialogues, souvent empreints de gravité, posent des questions existentielles sur la vie, la mort, et le sens de l’éternité. C’est beau, mais cela peut parfois paraître un peu lourd, surtout pour ceux qui espèrent une narration plus rythmée. Les rencontres avec les dieux, bien que fascinantes, restent souvent allusives, laissant au lecteur le soin de combler les vides.
Le principal reproche qu’on pourrait adresser à Adrastée, c’est son rythme contemplatif qui flirte parfois avec la lenteur excessive. Les réflexions existentielles du roi, bien que profondes, peuvent donner l’impression de tourner en rond, un peu comme son éternité. Mais pour les amateurs de récits qui privilégient l’ambiance et la méditation, c’est un régal.
En résumé, Adrastée est une œuvre visuellement éblouissante, où Mathieu Bablet explore les thèmes universels de l’immortalité et du sens de la vie avec une ambition rare. Si l’histoire souffre parfois de son rythme lent et de son ton un brin solennel, elle compense largement par sa beauté graphique et sa richesse thématique. Un voyage introspectif à savourer comme un verre de vin grec : riche, complexe, et parfois un peu âpre.