Plus dure sera la chute...
AIR GEAR c'est un peu le meilleur et le pire du Shonen. Le meilleur car on part d'un concept de base original, des personnages charismatiques et attachants (à défaut d'être réellement intéressants), un style graphique des plus agréables, de l'humour (parfois bas de plafond, même il suffit d'être dans un bon jour pour trouver ça pertinent), de l'action. Bref, simple et efficace. Et le pire : les habituelles ressasse sur l'amitié, les sentiments amoureux, un méchant "über-surpuissant" que finalement le héros finira par défaire dans un "giga-duel tellement trop abusé" grâce à la force de ses compagnons et son coeur pur. Bref, rien de bien nouveau sous le soleil (levant). Il convient cependant de partir du début de la franchise (37 tomes, quand même, bien que certains NARUTO et ONE PIECE lui dament le pion en matière de longévité) pour voir l'étendu des dégats. AIR GEAR est donc symptomatique d'une tendance du Shonen à se barrer en sucette passé quelques arcs narratifs déterminants, et si l'on ajoute à cela Oh! Great, l'auteur, qui n'en est à priori pas à son premier coup d'essai en matière de déviation sur la "road" du portnawak.
L'intrigue d'AIR GEAR s'installe dans un futur (très) proche où les Air Treck, des rollers à deux roues munis d'un petit moteur, deviennent le nouveau sport de rue à la mode. Un privilège néanmoins réservé à ceux qui peuvent les maîtriser tant l'exercice est plus difficile qu'il n'y parait. Nous suivons donc le quotidien d'Ikki, jeune loubard rompu à l'utilisation abusive de ses poids et de son charisme pour épater la galerie, jusqu'au jour où il tombe sur plus fort que lui, à savoir une bande de Stormriders particulièrement violents. Trahi par ses propres potes, notre héros essuie alors une défaite aussi humiliante que retentissante, ne tardant pas à devenir la risée de tous. Heureusement (ou malheureusement) pour lui, Ikki, orphelin, vit avec quatre soeurs qui lui mènent la vie dure à l'exception de Ringo qui le soutient dans toutes ses entreprises. Afin de se rebâtir une réputation, Ikki s'emploie à s'essayer à l'AT pour lequel il se découvre (bien entendu) avoir un don inné malgré quelques difficultés de bases. D'autant plus que les quatre frangines se révèlent être la bande de Stormriders la plus balaise du coin, les Sleeping Forest, et qu'elles vont tous faire pour rappeler à notre héros sa médiocre condition. Mais qu'à cela ne tienne, Ikki n'écoute que son coeur et son âme de bonhomme et s'acharne à progresser jusqu'à ce qu'elles courbent l'échine sous sa puissance et qu'il finisse par prendre sa revanche sur les mécréants qui salirent son honneur, s'ouvrant de ce fait à un monde de liberté insoupçonné. Dès lors, Ikki trace sa ''road'' comme on dit entre Stormriders.
On retrouve donc tous les éléments du Shonen classique, à ceci près qu'on peut bien entendu compter sur l'auteur (ancien dessinateur de hentai, excusez-moi) pour faire dévêtir ses superbes créatures pour un oui et pour un non, leur faisant lâcher au passage un léger "kyaah" et les faisant devenir toutes rouges, les larmes aux yeux. Si la chose peu prêter à sourire dans les premiers tomes, elle finit par devenir plutôt lourdingue au fur et à mesure, aidée, il faut le dire par un humour pas très finaud. Mais bon, cela fait partie du charme des premiers tomes qui jouent la carte de l'humour décomplexé, de personnages tirants des tronches pas possible et d'un certain intérêt pour ce sport recelant bien des secrets. Si le scénario n'est pas non plus à tomber à la renverse, et n'évite pas d'entrée de jeu les écueils du genre, le coup de crayon d'Oh Great achève de faire passer au second plan les petits défauts qui, on l'espère, se corrigeront avec le temps, l'auteur cherchant encore la direction à prendre.
Le véritable intérêt d'AIR GEAR débutera lorsqu'Ikki commencera à fédérer une bande d'amis (potes d'enfance comme anciens rivaux) autour de sa passion et fondera sa propre équipe de Stormriders, les Kogarasumaru. Il faut dire qu'on était un peu laissé sur notre faim avec des potes faibles et lâches, chialant à la moindre difficulté, se cachant derrière leur chef à qui ils servent de "faire-valoir". On ne peut que saluer la volonté d'Oh Great à développer (dans le bon sens) les personnages de Kazu et d'Onigiri car devant leur introduction dans les premiers chapitres, c'était franchement pas gagner de les voir intégrer la dream team, composée d'autre par de Buccha, premier ennemi de taille d'Ikki, ainsi que d'Agito/Akito le psychopathe schizophrène de service qui a lui seul fédère l'engouement de ses demoiselles pour le côté "kawai" et titille la virilité des messieurs pour son caractère badass et destroy.
Jusque-là tout allait bien et AIR GEAR, sans renouveler le genre, proposait ce qui se faisait de plus efficace et de plus agréable à lire en matière de Shonen. Les 8 Rois, les 8 regalias, le mentor, Ikki est vu comme étant le futur Sky King etc, tous les stéréotypes sont au rendez-vous mais l'habitué ne se formalisera pas outre mesure de ce cahier des charges dûment rempli. Passé le cap des 9 premiers tomes, les choses se gâtent gentiment, sans aller non plus dans l'excès. Disons simplement qu'Oh Great commence doucement à tendre les élastiques avant de les lâcher quelques tomes plus loin.
Sortis victorieux de leur combat contre Béhémoth, leur premier adversaire officiel, les Kogarasumaru sentent des ailes leur pousser dans le dos (aux pieds seraient plus juste) et se préparent désormais au virage significatif et casse-gueule qu'opèrent un grand nombre de Shonen qui veulent se renouveler et marquer le coup après un arc narratif intense, à savoir la première confrontation des personnages avec des rivaux assortis à chacun. Si Oh Great s'en tire plutôt bien au début, on verse tranquillement dans le délire avec la découverte de la salle secrète du collège qui deviendra leur repaire ou encore l'armure de Nué et ses câbles électriques pouvant détruire une ville entière. Débute alors quelques tomes de transition où l'auteur cherche une nouvelle voie, se focalisant sur les personnages secondaires, apportant son lot de fan service et d'humour douteux pour faire patienter le lecteur.
Il faut attendre le tome 13 et la venue de la Tool Toul To pour qu'on verse lentement dans le joyeux bordel avant d'atteindre le point de non-retour, dans tous les sens du terme, avec le tome 18 (la moitié de la série) où à partir de là AIR GEAR se prend pour AKIRA. Désormais, c'est la foire au craquage de slip : Oh Great n'ira jusqu'à la fin (19 tomes,c'est long) que d'énormités en énormités : méchant tellement puissant qu'il perd tout intérêt, enfants créés en laboratoire, technologie militaires à base d'Air Treck, domination du monde ou encore Barrack Obama comme second couteau ! Il est loin le temps où Ikki et sa bande devaient faire de simple sprint pour remporter les combats. Maintenant on se bat en déchaînant les éléments grâce à ses AT, le tout dans un concours de "celui qui a la plus grosse". Le défaut majeur des Shonen : l'intrigue se retrouve limitée au strict minimum pour laisser place à une surenchère où les personnages n'ont plus rien d'humain. Les potiches de service (il y en a un paquet) finiront même par agacer à toujours se retrouver à poil au moindre coup de vent. On retiendra en vrac des duels finaux tellement surpuissants qu'ils en sont risibles, une "Part War" à dos d'avions supersoniques, et l'enlisement de la série dans les pires clichés du genre. Restera toujours le dessin éblouissant d'Oh Great, mais à quoi bon : c'est le scénario qui doit mettre en valeur la forme et non l'inverse.
Au final, l'intérêt principal que l'on aura à continuer de suivre une intrigue à la mords-moi le nœud incompréhensible, à laquelle vient de se greffer des personnages à peine introduit qui, pourquoi, comment, se retrouvent au cœur des enjeux d'une histoire partant dans tous les sens, sera l'affecte que l'on a pour tel ou tel personnage. Et une fois le duel de ces derniers terminé, on essaiera de s'intéresser à un ultime affrontement dantesque, qui rappellera les pires heures de BLEACH, où toutes logiques et vraisemblances sont balayées d'un revers de la main. AIR GEAR finira donc sa course dans le mur mais commettra l'exploit de le défoncer (et d'exploser la baraque au passage) avant de se crasher. Il est toujours dommage de voir un manga bien parti non seulement sombrer mais se mettre à creuser une fois qu'il a touché le fond (le corps d'Obama permutera avec une collégienne aux gros seins, c'est pour dire) ! Quand on repose un œil nostalgique sur les premiers tomes, on se demande s'il s'agit bien du même manga. Le pire c'est qu'ils permettent au moins de se consoler en se replongeant dans les meilleurs moments de la série. Quand AIR GEAR ne se prenait pas pour ce qu'il n'était pas, et était ce qu'il aurait dû rester : un shonen sans prétention.
(Si vous avez été jusqu'au bout de cette critique, respect ^^)