Il ne fait aucun doute que le premier tome d’Alan Moore présente Swamp Thing fut l’une de mes meilleures lectures de ces dernières années. J’ai très rarement été autant emporté par une série, par un personnages, par un auteur. Un plaisir de lecture sans pareil ! C’est peut-être pour cela que j’ai mis tant de temps avant de me lancer dans le second tome, la peur ne pas partir pour un voyage aussi fantastique et avec autant d’émotions ? La peur d’être déçu ? Mais voilà qui est chose faite, et que dire ? J’avais tord de douter !


Une aberration végétale vagabonde au cœur d’un marais de Louisiane. Consciente, rêveuse d’une humanité fantasmée et amoureuse, la Créature du Marais évolue en même temps qu’elle pose son regard sur le monde. D’un lieu à l’autre, ses errances l’amènent à faire de nombreuses rencontres. Parmi celles-ci, John Constantine semble sortir du lot. En lien étroit avec le monde de l’occulte, ce Britannique au cynisme singulier lui fera prendre conscience de l’étendue de ses pouvoirs.
Alan Moore présente Swamp Thing ou l’œuvre qui révéla le scénariste anglais à l’industrie des comics. De 1983 à 1987, l’auteur de Watchmen révolutionne la bande dessinée en posant de nouveaux standards dans le domaine de la narration graphique. Fruit d’expérimentations narratives, dont la langue fluide et poétique atteint des profondeurs de caractérisation sans précédent, ce titre est porté par le trait étrangement fascinant de Stephen R. Bissette, rehaussé par l’encrage de John Totleben et les couleurs de Tatjana Wood. Devenue une référence du genre, la saga de la Créature du Marais s’est hissée au rang d’œuvre incontournable de l’histoire du neuvième art.
(Contient les épisodes The Saga of Swamp Thing #35 à 38 et Swamp Thing #39 à 50)


Ce second tome d’Alan Moore présente Swamp Thing va nous plonger, comme nous l’indique l’introduction de Stephen R. Bissette, dans un cycle particulièrement pertinent et fort de la part d’Alan Moore. American Gothic !


On quitte, ici, un peu les récits métaphysiques et oniriques où l’horreur et le fantastiques avaient une place de choix. Avec les premiers épisodes de ce second tome Alan Moore envoie son personnage à travers les États-Unis pour y découvrir tout ce qu’il y a de plus sombre, de plus brutal dans ce pays aux milles saveurs et déjà tellement fracturé.


Le nucléaire, le féminisme, le racisme, les armes à feu… Autant de thèmes que d’épisodes pour le début de ce second tome. Alan Moore décide de nous proposer des histoires ancrées dans le social et l’écologie. Des thèmes, et une approches avant-gardistes qui le sont encore tout autant aujourd’hui. (Ce qui est navrant et terriblement effrayant…)


Plus de trente ans plus tard, la puissance du message d’Alan Moore est toujours d’actualité, et l’on pourrait dire que les choses n’ont fait qu’empirer avec le temps. Ce qui aurait pu être pris pour un message d’alerte à l’époque, serait un constat d’échec cuisant aujourd’hui. Le pamphlet serait bien plus violent, maintenant que ce qui était redouté à l’époque, est quelque chose de vécu aujourd’hui !


Swamp Thing traverse donc les États-Unis, et chaque arrêt ne semble que prouver toujours un peu plus les failles d’un système, ayant encore cours aujourd’hui, et qui se pense, encore de nos jours, infaillible. Que notre façon de vivre est la bonne, que nous ne sommes absolument pas un cancer, un virus pour notre planète. Ces voyages, Swamp Thing n’en est que le spectateur. Sur ces premiers épisodes, ce n’est pas Swamp Thing le point central, ce sont véritablement les différents points abordés par Moore.


Ils permettent également de montrer à Swamp Thing qu’il est beaucoup puissant et important qu’il ne le pense. Découverte de sa capacité de téléportation, son lien à la nature ou encore sa rencontre avec le Parlement des Arbres.


Mais tout cela n’est possible que grâce à un nouveau personnage : John Constantine ! Un personnage emblématique fait ses premiers pas ici ! Cette pourriture d’Anglais prend une grande place ici, en manipulant la Créature des Marais, en lui permettant de se découvrir, en le baladant à travers le pays, dans un but bien précis.


Ce but, est la deuxième partie de ce tome ! Toute cette montée en puissance du personnage, toutes ces révélations sur son lien à la nature, tout ce mystère avec Constantine, tout cela ne sert qu’à nous mettre en condition pour la bataille finale visant à sauver toute l’humanité ! Une bataille terrible, dantesque, qui ne se résume pourtant qu’une une chose effroyablement simple, une lutte entre le bien et le mal !


En réduisant cette bataille à deux fondamentaux sans la moindre nuance, Alan Moore s’en va pour sa dernière critique du tome, celle du manichéisme. Cette opposition primaire entre le bien et le mal, qui est également une énième critique de la culture américaine, qui se veut très manichéenne sans pour autant l’admettre. Une lutte finale dantesque où, une nouvelle fois, Swamp Thing n’est pas l’élément central, mais ici un des nombreux protagonistes, aux côtés de Constantine, le Phantom Stranger ou encore Etrigan.


Un tome tout aussi génial que le premier, qui ne souffre que peu de défauts à mes yeux. Si vraiment je devais chercher la petite bête, je regretterais une conclusion trop rapide, et une Abigail tristement mise de côté et oubliée. Heureusement, la fin du tome annonce un arc centrée sur elle pour le troisième volume. Espérons qu’elle sera bien remise en avant, à l’image du premier tome, où sa romance avec la Créature du Marais était passionnante.


Graphiquement, Steve R. Bissette nous livre une nouvelle fois une prestation absolument IN-CRO-YA-BLE ! Les histoires d’Alan Moore ont beau être exceptionnelles, elles n’auraient sans doute pas eu le même impact sans les dessins fantastiques de Bissette. Il nous plonge totalement dans toute cette misère et ses défauts sociaux dénoncés dans le road trip des premiers épisodes. Il nous embarque au cœur de cette guerre entre le bien et le mal. C’est artistiquement parfait, prenant, presque oppressant, totalement immersif.


Bref, un tome deux totalement différent du premier, mais toujours une réussite. Une lecture incroyable ! On embarque pour un voyage où l’on se retrouve spectateur, comme notre héros, où l’on découvre une humanité sur la pente descendante, ce qui est toujours d’actualité !

Romain_Bouvet
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le 1 avr. 2022

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