Batman Silence ! Le run de 12 numéros du duo Jeph Loeb et Jim Lee, ou comment essayer de faire intervenir le plus de personnages possibles en un court laps de temps. C’est la première chose que l’on remarque à la lecture de cet ouvrage, qui reprend les épisodes 608 à 619 de la série Batman, c’est la galerie de personnages qui nous est proposé. J’avais déjà lu cette longue enquête traumatisante du justicier de Gotham lors de sa publication en kiosque chez Semic. Je démarrais alors dans l’univers de Batman. C’est donc avec une réelle attente que j’ai entamé ce pavé d’Urban Comics, surtout après avoir lu des chefs d’œuvres comme Un Long Halloween ou Amère Victoire du même Jeph Loeb.
Batman se retrouve assailli par tous ses ennemis, lorsqu’un mystérieux personnage qui dissimule son visage sous des bandelettes apparaît. Son nom ? Silence. Son but ? Harceler le justicier jusqu’à lui faire perdre raison. Catwoman saura-t-elle lui apporter l’aide et le réconfort dont il a cruellement besoin ? (contient ABSOLUTE BATMAN HUSH)
Bon, commençons par le petit côté amusant : Jim Lee !! Je dois bien avouer, je me suis fourvoyé. Ces planches de Jim Lee me font faire mon mea culpa, c’est un génie ! On en prend plein les yeux… Nan ! Ce n’est pas crédible hein ?
Sérieusement la lecture de cette saga ne me fera donc pas changer d’avis sur le dessinateur. Tous les hommes qu’il dessine sont bodybuildés, avec pectoraux prédominants, mentons saillants et regards de tueur. Et ses femmes sont toutes des mannequins avec les mensurations de Barbie, la taille fine et la poitrine généreuse. C’est un style de dessin trop irréaliste par rapport à la réalité. Alors oui tous les dessinateurs que j’apprécie ne sont pas des réalistes loin de là, mais j’avoue que le style de Jim Lee ne me parle pas du tout. Tout le monde il est beau, tout le monde il est joli, très peu pour moi.
A côté de cela, je lui reconnais par contre un souci du détail, dans ses grandes cases, absolument remarquable. Je prends pour exemple son opéra ou sa batcave, juste à tomber ! De même, les gros plans qu’il fait de temps à autre sur les visages sont juste magnifique. Comment ne pas tomber sous le charme d’une Ivy ou d’une Sélina dessinées de la sorte ! Par contre je trouve ces mêmes visages peu expressifs la plupart du temps. Ils font très souvent vides ou qui transmettent une impression de colère la plupart du temps.
Sa mise en page enfin, la découpe des ses cases, ses différents cadrages, l’utilisation fréquente de grandes doubles pages, tout cela donne beaucoup de rythme et une impression de vitesse à l’action du récit. Concrètement je ne retiens clairement pas les dessins comme gage d’appréciation pour cet ouvrage. Ils ne sont pas moches, loin de là, mais ce n’est pas un œuvre d’art, loin de là également.
Au niveau de l’histoire, cette enquête est assez prenante, tout simplement déjà parce que Jeph Loeb ne nous laisse pas une minute de répit, pas une seconde. Action, action, action. Ca ne s’arrête jamais ! Toujours un nouvel indice qui tombe, toujours une piste à suivre, toujours un nouvel ennemi à affronter, toujours un allié à trouver. Et cela commence dès le début du chapitre où l’on démarre en plein milieu d’une enquête de Batman. On s’amuse d’ailleurs très vite à nous prendre nous même pour un détective en essayant de coller les pièces du puzzle afin de deviner qui tire les ficelles dans le noir, qui utilise ainsi les ennemis et les amis de Batman et même de Bruce, avec le docteur Elliott, qui est assez malin pour réussir à faire participer le Joker ? Lé réponse nous apparaît et tout est remis en cause ! Comment cela pourrait-il être vrai ? Et pourtant tout désigne Jason Todd ! Mais Jeph Loeb est passé maître, comme dans Un Long Halloween ou encore Amère Victoire, à nous emmener sur de fausses pistes. Et Batman Silence ne va pas déroger à la règle. Les responsables potentiels vont être légion jusqu’à la surprenante fin ! Je dois bien avouer que je ne m’attendais pas du tout à cela.
Après, tout n’est pas rose dans cette saga. Loin de là ! J’avoue que cette déferlante de guest au casting est un peu dans l’exagération par moment. Bien souvent, l’explication à leurs apparitions n’est qu’un simple prétexte à rajouter un personnage supplémentaire au casting et à faire dessiner Jim Lee. Et c’est surtout sur si peu de numéros. Sur 12 chapitres on compte plus d’une douzaine de personnages, cela fait beaucoup.
De plus, beaucoup de phases d’action se font au détriment de véritables phases d’enquêtes. D’ailleurs, il n’y a pas vraiment de phase d’enquête. Les réflexions de Batman étant vite expédiées entre deux cases de combat ou de course-poursuite.
La conclusion, enfin, qui est plus qu’expédiée je trouve et avec des explications un peu vaseuses. Tout est soi disant dit en une double page. J’en reste sur ma fin. Les motivations du coupable sont tellement simplistes et désuètes au vue du plan génial mis en place. J’aurais voulu un petit approfondissement sur le pourquoi du comment, sur comment il en est arrivé là. L’effet de surprise ne fait pas tout.
Je finirais avec Double-Face, enfin Harvey Dent, dont je trouve l’utilisation un peu particulière.
Un petit mot sur le superbe travaille d’édition d’Urban. C’est un album absolument magnifique. Grand format, papier glacé, belle intro, 80 pages de bonus avec moult crayonnés de Jim Lee, les fans de l’artiste devraient apprécier, des esquisses, des couvertures à foison. Personnellement, cela ne m’intéresse guère, n’étant pas fan du monsieur, mais je ne peu que saluer un tel boulot de la part d’Urban Comics.
Bref, Batman Silence est une bonne lecture. Je ne suis pas aussi obtus sur le travail de Jim Lee, a qui je trouve même quelques qualités. Mais on est loin d’autres grandes œuvres de Jeph Loeb. Très loin même. On sent que c’est vraiment le côté action, on en prend plein les yeux qui sont mis en avant, de par la présence de Lee à l’équipe artistique. C’est agréable à lire, mais là où un Long Halloween ou Amère Victoire seraient comme des films de réflexion, nous menant à nous interroger et ainsi admirer le fond avant l’image, Batman Silence serait un blockbuster où les scènes d’action prennent souvent le pas sur l’histoire.