Alice Guy reste à ce jour une pionnière du cinéma trop méconnue. Pourtant sa filmographie peut se voir comme un trait d’union entre celle de Méliès et des frères lumières. Son premier film date de 1896 « La fée aux choux » aimable fantaisie tournée un an seulement après l’invention du cinématographe. Par la suite elle contribuera fortement à l’essor des Studios Gaumont, devenant même l’une de ses principales cinéastes, tout en officiant comme directrice de production, un poste exceptionnel pour une femme à l’époque. Elle y tourne des centaines de films d’une bobine comme « les résultats du féminisme » (1906) comédie où elle inversait les codes entre hommes et femmes, l’homme devenant une bonne à tout faire et la femme un tyran domestique. Elle sera aussi l’une des premières et des rares à évoquer la Commune de Paris dans « L'émeute sur la barricade » (1906) et ce n’est là qu’un bref survol de sa riche filmographie. Après sa carrière chez Gaumont elle s’envole pour les Etats-Unis avec son mari où elle crée les studios Solax. Là aussi elle se trouvera être une pionnière audacieuse. Entre autres exemples elle mettra en scène un film dont le casting sera composé entièrement de noirs américains, à une époque où la norme était de faire jouer des acteurs blancs grimés en noirs pour faire rire le public. Progressiste, féministe, mais aussi visionnaire et inventive, elle meurt pourtant totalement oublié en 1968. Même George Sadoul l’escamote dans sont « Histoire du cinéma » attribuant certains de ses films… à un réalisateur masculin.
Elle connaît donc une juste réhabilitation depuis quelques années, auquel cette excellente BD du duo Catel/Boquet contribue. Ceux qui sont familier de leurs travaux ne seront pas dépaysés. Un chapitre correspond à une époque clé de sa biographie, le tout se termine sur un livret très complet pour présenter les principaux protagonistes. Le trait du dessin fait revivre la belle époque avec beaucoup de charme. On en ressort une fois de plus épaté par le courage et la volonté qu’il a fallu à cette grande dame du cinéma pour s’imposer dans ce milieux exclusivement masculin. De sa filmographie il reste peu de choses, beaucoup de films ont étés détruits ou perdus. On peut tout de même en voir certains dans l’anthologie « Les pionnières du cinéma » édité chez Lobster films.