A l'heure où j'écris ces lignes, un seul et unique confrère senscritiqueur s'est attelé à la tâche d'écrire une critique sur cette série si injustement méconnue. Je vais donc ajouter un deuxième avis en espérant que ce manga émerge même un tout petit peu de l'anonymat dans les années à venir. Je comprend cependant les réticences du public; il est vrai que les mangas de type survival sont légions dans le commerce, et c'est sans parler de ce qu'on bouffe en plus dans le cinéma et les séries. Clairement aujourd’hui on soupire un peu devant tout ce qui est survie, jeu de survie et cetera... A l'époque Battle Royale avait su surprendre et avait tout d' un manga culte, mais force est de reconnaître que tout ses enfants spirituels comme Judge, Doubt, King Game, Jeux d'enfants, Magical Girl of the Dead ou encore cette horreur qu'est High School of the Dead n'ont pas fait embrayé le genre sur la bonne voie. Entre des profusions de lieux communs d'écriture, des personnages toujours plus archétypaux et des résolutions toujours plus calquées les unes sur les autres (et je m’attarde pas High School sinon je vais me mettre à pleurer de dépit) clairement le genre de l'horreur n'attire plus que les ados en mal d'hémoglobine. Bref, dans ce lot de séries toutes plus anecdotiques et clones les unes que les autres, Alice lui a a su sortir du lot à mes yeux, c'est pour cela qu'il me semble urgent de réparer le parjure de son manque de popularité et d'en faire moi même la promotion immédiate.
Alice, Shota et Karube sont trois amis inséparables totalement coupés de la réalité. Alice peine à savoir quoi faire après le lycée, il ne porte aucun intérêt à son avenir dont il ne comprend pas les enjeux. Ces trois personnages s'interrogent sur le sens de la vie et le pourquoi du comment des choses, ils peinent à trouver la tournure des choses logiques et l'espace d'un instant ils se mettent à souhaiter de vivre dans un endroit meilleur. Comme pour répondre à leurs prières, une lumière étincelante se met à éblouir dans la nuit. A leur réveil nos trois compères sont projetés dans un monde nouveau, désert ou plus personne ne peut leur dicter leur conduite. Bien entendu le rêve est de courte durée car Borderland est une ville où l'on ne peut séjourner que durant un temps requis marqué sur un visa indiquant le nombre de jours qu'il leur reste à vivre dans ce monde, pour renouveler ce laps de temps il faut participer à des jeux tous plus dangereux et mortels les uns que les autres. Le manga fait de nombreuses références à l'univers de Lewis Caroll mais il ne fait que s'en inspirer car il réinterprète complètement l'histoire à sa sauce. Ainsi Usagi (lapin en Japonais), Le Chapelier ou la Reine de Cœur et ses épreuves n'ont strictement rien en commun avec l'oeuvre originale
La vie des habitants de Borderland ne tient qu'à un fil: la durée de jours restants marquée sur le visa. Si le visa expire, le joueur est transpercé d'un rayon laser en pleine tête. Ainsi bien que chacun risque sa vie en jouant, n'importe qui va préférer tenter sa chance en participant aux jeux pour renouveler le visa plutôt que de mourir à coup sur en attendant la date limite.Là où le jeu devient vicieux, c'est que chaque territoire de la ville de Borderland peut devenir terrain de jeu sans même demander l'avis des joueurs qui se retrouvent obligés de jouer contre leur gré et bien entendu la défaite est toujours synonyme de mort certaine. Il existe plusieurs types d'épreuves différentes de difficulté variable indiquées par le numéro des cartes (de la plus faible 1 aux figures du Roi comme dans un jeu de carte normal), bien entendu nul joueur ne peut savoir à quel épreuve il va participer avant le top départ et la clôture de la zone neutre en zone de jeu. 4 types d'épreuves ont été identifiées: les épreuves de couleur pique sont des épreuves physiques pures et dures, les épreuves de type carreau demandent intelligence et réflexion, les épreuve trèfle nécessitent solidarité et entente entre les membres, et enfin les pires et les plus redoutées, les épreuves de type cœur se basent sur les faiblesses psychologiques de tout individu. Le monde de Borderland est totalement coupé de l'extérieur et en dehors du temps des épreuves, la ville est complètement déserte et les joueurs peuvent aller et venir à leur gré. Si personne ne sait pourquoi et comment il est arrivé ici ni même s'il est possible de revenir dans le monde réel, les joueurs sont forcés de s'accoutumer tant bien que mal à cet univers
Le manga se démarque rapidement de ses confrères par la profondeur de ses personnages et leur authenticité en tant qu'êtres humains. Si certains s’organisent en société hiérarchique pour donner un semblant d’ordre à la ville fantôme, d'autres choisissent la solitude et la marginalité, si certains participent aux jeux la boule au ventre avec la terreur de mourir ce soir, certains s'amusent et semblent enfin trouver un sens à leur vie. Pour diverses raisons les personnages étaient des marginaux dans le monde normal: un comédien raté qui n'a jamais réussi à gagner sa vie, un lycée introverti jaloux de son meilleur ami, un ancien souffre douleur, un hikikomori et j'en passe, tous ont pour point commun qu'ils se sentaient peu ou pas accomplis dans leurs anciennes existences de ce fait leur manière d'appréhender Borderland et sa réalité divergent complètement. Leur manière d'aborder les jeux également, si certains se montrent toujours à l'écoute, d'autres seront froids et manipulateurs, d'autres encore auront recours à toutes les bassesses pour s'en sortir vivants. A l'instar de Walking Dead, dans Alice tout les personnages ont une épée de Damocles sur la tête et peuvent mourir à tout instant. Vous n'êtes pas dans un énième survival à la gomme où seuls les personnages secondaires de 2-3 répliques mourront toutes les trente secondes pour épargner les meilleurs persos. Non ici tout le monde est susceptible de mourir, personnage attachant ou non, il n'y a personne qui soit immortel et au stade où j'en suis (tome 11) je ne parierais sur personne de peur de le voir lui aussi disparaître. Là où toutes les autres séries insisteront sur le sang en litres et les violences physiques et psychologiques toutes les 20 pages, Borderland aborde le combat pour la vie selon l'angle propre à chacun des joueurs. Toujours bien écris et profondément humain, Haro Aso sait émouvoir et nous impliquer dans chacun de ses jeux, pas uniquement parce qu'ils sont passionnants et imprévisibles de bout en bout, mais aussi parce qu'il confrontent ou associent pleins d'humains les uns aux autres ou contre les autres, dans leur combat pour le jeu avant tout mais aussi dans leur lutte pour eux mêmes afin de trouver un sens à leurs actions et à leurs vies passées
Alice c'est un manga écrit par Asa Haro, un homme de voyage d'à peine 30 qui malgré son jeune age à déjà une grande maturité humaine sur ce que sont les gens et les marginaux dans la vie de tout les jours. La première chose qui apparaît dans notre lecture, c'est que l'auteur ne se contente pas de rebondir sur des clichés de personnages qu'on connait par cœur, il a un vrai message à faire passer à travers chaque visage de la série et chaque personnage est une facette du malaise social de notre société actuelle.Trois autres grandes forces émanent du récit d'Haso: premièrement le déroulement et la conclusion de chaque jeu est totalement imprévisible et déroutant du début jusqu'à la fin. On a beau connaitre toutes les ficelles du survival sur le bout des doigts, jamais personnellement je n'ai réussi à deviner la fin avant que l'auteur ne l'expose. Deuxièmement: l'intensité dramatique est souvent poussée à son comble sans tomber dans le pathos pour autant, difficile de rester de marbre devant tant de sincérité, je ne me suis toujours pas remis du tome 11 qui me marquera un bon moment. Enfin, Borderland est une série qui ose enfin faire intervenir des adultes, des freelance, un homme qui travaille dans un casino, des yakuzas, une vendeuse de vêtements bref, on se tartine pas que de la chair à canon de 15- 17 ans comme dans les 4/5 des séries de ce genre.
Je pense avoir fait le tour de ce que j'avais à dire et continuer serait spoiler donc autant en rester là. Je recommande cette série à tout ceux qui seraient lassés de la redondance des séries actuelles et qui auraient envie de se pencher sur une oeuvre plus réfléchie et plus mûre que ce l'on lit habituellement. Pour moi Alice est un must have tout simplement