Cette critique porte sur les deux parties de Alors, tout tombe et contient quelques spoilers.
Après un Amarillo qui baignait dans le jaune et dans lequel notre chère Blacksad tenait un rôle plus secondaire que d'habitude, avec Alors, tout tombe on retrouve le côté sombre, le côté polar, des premiers tomes (avec ce bleu nuit comme couleur principale sur la couverture), la ville de New York aussi, mais surtout certains personnages des précédents tomes, principalement Alma, qu'on avait abandonné toute trempée à la fin de Âme Rouge, et que l'on retrouve toute aussi trempée à la fin de la première partie. Même Weekly, jusque-là cantonné au rôle de sidekick rigolo, gagne en ampleur, ayant un rôle plus important durant ces deux tomes, accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis.
Forcément, impossible de parler d'Alors, tout tombe sans évoquer le fait que ce soit un diptyque : une première dans la série. Pour le coup, je suis clairement adepte de cette narration en deux parties tant j'avais tendance à reprocher aux autres tomes de la saga de se terminer d'un coup d'un seul. Ce procédé permet donc de se retrouver face à une histoire un poil (de chat) plus complexe, mais qui sait prendre son temps, qui ne fait que nous balancer des informations à la chaîne, quitte à ce que ç'en devienne indigeste quoi. Surtout que les deux tomes savent se répondre, de par leurs premières de couverture déjà, mais surtout car on retrouve certains types d'événements (LA BAGARRE !, la pluie) une fois arrivé aux mêmes numéros de pages des deux bouquins.
Paradoxalement, le fait d'avoir fait d'Alors, tout tombe un diptyque n'a pas empêché le fait que, une nouvelle fois, je me suis retrouvé face à une fin décevante. Je comprends la logique derrière le fait d'avoir laissé Solomon en vie, le côté « moral » et le lien avec ce qui s'est passé dans le monde réel (le personnage de Solomon étant basé sur l'urbaniste controversé Robert Moses). Par contre, ça se termine beaucoup trop bien pour lui, pour quelqu'un qui n'hésite pas à faire assassiner quiconque étant sur son chemin. Le coup de « il est trop puissant on peut rien faire » est une excuse beaucoup trop facile : un peu de pragmatisme, avec un John Blacksad qui n'hésite pas à balancer Solomon du pont, aurait été bien plus intéressant. Même si cette même fin fait du coup forcément écho avec le titre de la BD : effectivement, même le plus grand pont suspendu au monde peut tomber.
Au niveau du dessin, je crois que tout a déjà été dit sur la série non ? À la limite, quitte à dire absolument quelque chose, j'ai noté des couleurs reprises de chez Van Gogh durant la seconde partie (lors des flashbacks). Comme d'hab' avec la série, on retrouve de nombreuses références, qu'elles soient musicales (Birth of the Blues de Sammy David Jr, le bleu toujours le bleu, toujours se méfier du bleu… surtout quand une nouvelle assistante toute bleue s'occupe de gérer la construction d'un pont à la place de l'ingénieur qui a été engagé pour cela), cinématographique (le coup du marqueur sur la veste de Shelby fait forcément penser à M le maudit), mais surtout littéraires, différentes œuvres de Shakespeare (La Tempête, Macbeth et Jules César) étant jouées par certains personnages du récit, avec ce à quoi cela renvoie notamment en complots et trahisons.
Bref, dans l'ensemble conquis par ce diptyque que je classerais sans problème devant Amarillo et L'Enfer, le silence. Hâte de voir ce que Juan Díaz Canales et Juanjo Guarnido pourront bien nous proposer par la suite. Un nouvel univers ? Un spin-off centré sur Smirnov ? En tous cas, hâte de voir si Blacksad tiendra sur neuf vies… euh tomes pardon.