Amer Beton (ou Tekkon Kinkreet en VO) raconte l’histoire de deux enfants des rues. Ces 2 garnements règnent (comme ils se plaisent à le penser) sur la ville de Takara où se font surnommer "le gang des chats". Lorsque des Yakuza décident de s’emparer de leur territoire pour y ouvrir leurs commerces, nos héros se décident à nettoyer leurs rues de ces "racailles".
Plusieurs thèmes se croisent et se recroisent tout au long du récit : on peut citer l’enfance sans l’amour parental, la violence de la rue, son béton froid et rude… le plus en avant étant celui de l’opposition/complémentarité. Tout commence par les noms des héros qui se suffisent à eux même pour expliquer ce contraste : d’un côté nous avons Blanko, de l’autre Noiro. L’un est aussi décalé que rêveur et aussi insouciant qu’un enfant. L’autre est un froid cartésien, responsable et protecteur. Cette opposition n’est cependant là que pour démontrer que Noiro et Blanko sont les deux faces d’une même médaille. L’un ne peut vivre sans l’autre, ils se complètent dans leurs différences qui les rendent indissociables. La psyché de nos deux chats (surtout celle de Noiro en fait) est intimement liée à la compagnie de l’un ou de l’autre. Les séparer reviendrait à briser le mince équilibre psychologique de ces gosses de la rue. Une rue hostile, mais une rue dans laquelle ils se sentent chez eux et où ils habitent. Cette contradiction est constamment renouvelée dans le récit. La police y est dépeinte comme un élément neutre mais bon, impuissante face aux organisations criminelles locales (schéma de la société japonaise face à sa mafia). Ainsi, nos bambinos rebelles ne peuvent compter que sur eux-mêmes dans cette guerre des gangs ce qui rend leur relation très attachante et émouvante.
Amer Beton, voilà un titre à mettre directement en relation avec le dessin de Taiyô Matsumoto (l'auteur bien évidement). Loin des stéréotypes de ses confrères, l’encrage du mangaka ne lésine pas sur le noir. Le découpage en horizontal déploie une débauche de plans cinématographiques, ce qui explique que l'adaptation animée soit si réussie selon moi. Il nous offre une expérience graphique inédite. On dirai que Matsumoto a une approche plus occidentale dans sa narration, ce qui influence beaucoup son style graphique et se libérant ainsi des codes classiques du manga.
Avec son style inimitable, son découpage cinématographique et ses personnages charismatiques (dont je n'ai pas voulu parler), Amer Beton s’impose avec une histoire qui met en relief une dualité que chaque être humain connaît : la part d’ombre et de lumière que chacun a en soi.
Vivre en harmonie avec soi-même commence par l’acceptation de ces principes, telle est la morale que l'on pourrait tirer de ce manga plus que réussi. A lire d'urgence !!