Suite directe de Points Noirs et Sac-à-Dos (sur le collège), Leslie Plée raconte intelligemment son année de seconde dans Anarchie et Biactol. Titre évocateur, si il en est, qui annonce tout de suite la couleur et la thématique de la BD pour qui sait lire entre les lignes.
Non, Leslie Plée n'offre pas des strip-comics comiques, mais sélectionne, de manière habile, des tranches de ses 16/17 ans pour amener une thématique précise. Ici, on ne se limite pas à dire "ma vie c'était ça, ça et ça". Non, Leslie Plée a bien un but, ou semble en tout cas l'avoir : passer par le prisme de son expérience personnel pour isoler des récurrences qui toucheront tout le monde. Pas besoin d'être jeune pour apprécier cette BD, au contraire, il suffit de l'avoir été au préalable.
Cette volonté de ne pas parler de soi mais de toucher tout le monde se retrouve dans le style graphique. Volontairement ou non, Plée fait de l'iconique pur et dur. Certains crieront au simplisme, mais c'est loin d'être le cas. Il s'agit, une nouvelle fois, d'offrir de quoi aider le lecteur à se projeter dans sa lecture. Que ça soit Leslie, Marion, Mathieu, Ben, etc ... comment ne pas tout de suite les situés. Les traits permettent immédiatement de savoir qui est qui et pourtant, jamais on ne trouve leur graphisme envahissant. N'importe lequel de nos proches pourraient être ces personnages tant ils répondent, plus qu'à des mots, à des repères de l'adolescence.
Et pour parler de cette adolescence, parlons en. Leslie se sent seule dans son lycée, un peu perdue. Elle se trouve moche, elle est petite, n'a pas de sein, et se sent déconnectée de ses ancienne amies. C'est à ce moment là qu'elle rencontre Marion. Leslie fumait déjà la cigarette en 3ème. Marion, qui apparait comme cool et libéré, va lui faire découvrir le plaisir de l'herbe et de la rébellion.
Ou du moins, c'est ce qu'on pourrait dire.
Car cette BD pourrait s'appeler "Nous nous pensions rebelles, nous étions cons".
Chacun aura probablement une lecture très personnelle de l'oeuvre selon ses propres vécus. Les rapports ainsi, avec les amours, ne m'ont pas touché. Là, j'ai vraiment eu le sentiment de lire la vie de l'auteur, quand bien même c'était bien raconté. Mais j'avais le sentiment de lire et relire cette thématique : le mal-être de l'adolescence, lié à une envie de se rebeller et à un goût du risque conduit ses jeunes à avoir des activités pseudo-artistique (guitare, poésie, lecture) mais qui est finalement gaché par la drogue. Leur conscience politique n'est en réalité qu'une vision stéréotypé des enjeux du monde et leur lutte n'est même pas réelle. Plutôt que véritablement défendre ce monde, ils préfèrent se prétendre poète maudit et fumer d'avantage d'herbe. Finalement seul la défonce les intéresse.
Je ne vais pas développer outre mesure ce thème, mais je le trouve bien amené et surtout jamais caricatural. C'est, évidemment, une période nulle de la vie. Combien se sont crus "conscient et rebelle" alors qu'ils n'étaient que des idiots qui perdaient leur temps au lieu d'agir ? Mais jamais Leslie Plée se laisse aller dans la facilité. En dépeignant avec justesse tous les détails importants, elle aide le lecteur a avoir une vision d'ensemble très prenante.
Leslie Plée raconte également deux trois détails qui mettent en évidence ce comportement de "jeune con" à sortir jusqu'à pas d'heure, à ne pas faire attention à soi, à sa propre sécurité, à être, finalement, déconnecté de la réalité en se pensant, au contraire, en phase avec elle.
Graphiquement j'ai été séduit par cette volonté d'être iconique, j'ai adoré les récits, que ça soit les détails, les phases d'amours et les reproches que Leslie Plée semble se faire à son "soi-du-passé". Tout me semble réussi.
Peut être que ça ne vaut, en réalité que 7, mais j'ai vraiment adoré, ce fut un énorme coup de coeur et ça mérite un beau 8 !