Angel Heart par Ninesisters
N'allez pas confondre Angel Heart avec une suite de City Hunter. Tsukasa Hojo a clairement indiqué qu'il aurait voulu donner une suite à City Hunter, mais que son action ne pouvant plus se dérouler dans les années 80, il avait d'abord joué sur les âges de ses personnages avant de modifier tous les aspects qu'il souhaitait. Et toujours d'après Tsukasa Hojo, Angel Heart ressemble à ce qu'il aurait vraiment voulu faire sur City Hunter.
Franchement, nous l'avons échappé belle ! Je veux parler évidemment de City Hunter. La force de Tsukasa Hojo, finalement, c'est de mêler avantageusement humour, drame, et action. La différence primordiale entre les deux œuvres susnommées, c'est que lorsqu'il écrivait la première, ce n'était encore qu'un jeune auteur avec une liberté de manœuvre réduite, soumis aux désidératas de son éditeur ; alors qu'aujourd'hui, son statut lui permet de donner libre cours à ses envies. En d'autres termes, il suffit de lire Angel Heart pour comprendre que, s'il avait pu faire ce qu'il voulait à l'époque, City Hunter serait un manga beaucoup plus dramatique, et évidemment beaucoup moins drôle.
Angel Heart reprend le mélange action / humour / drame, mais comme indiqué tantôt, avec une composante dramatique plus affirmée. Tellement affirmée, en réalité, que cela tend parfois au ridicule le plus achevé... Dans un titre comme Détective Conan, la moitié de la population japonaise finit probablement derrière les barreaux ; mais dans Angel Heart, la moitié de la population japonaise souffre de pathologies incurables, et l'autre moitié de dépression... Le mangaka veut tellement pousser l'aspect dramatique que cela devient parfois plus ridicule qu'autre chose ; le pathos s'avère tellement dense que cela donne des histoires franchement indigestes. Sachant que le drame ne laisse que trop rarement la place à l'humour et à l'action, ce qui est forcément dommage.
Après, cela reste du Tsukasa Hojo, et cet auteur ne saurait laisser mentir trop longtemps son talent, même si son goût pour le larmoyant gâche souvent le plaisir. Les 3 premiers tomes sont de petites merveilles, dignes des meilleurs histoires de City Hunter. Par la suite, la série possède de véritablement moments de grâce, magnifiques, passionnants, et poignants. Mais bon, il ne faut pas se leurrer : ce manga compte tout de même 33 volumes (en attendant une "suite" prochaine), parsemés essentiellement d'histoires sur la "mémoire du cœur", la transplantation, les maladies incurables, l'enfance difficile, et autres thèmes dégoulinants de bons sentiments. Jamais foncièrement mauvais, mais trop souvent inutilement mélodramatique. Quant à la comparaison avec City Hunter, elle fait très mal, d'autant plus que certains personnages ont énormément perdu de leur superbe entretemps.
Angel Heart vaut le coup pour ses 3 premiers volumes. Pour le reste, même s'il n'est pas catastrophique non plus, il s'agit d'un manga sans grand intérêt, indigne de City Hunter (auquel l'auteur ne veut pas trop qu'il soit comparé alors qu'il en reprend les lieux et les protagonistes). Lisez plutôt City Hunter ; cela vaut mieux que d'être déçu par un auteur qui, hélas!, aurait bien besoin d'être recadré par un éditeur désormais trop complaisant.