J’ai été agréable surpris lorsque j’ai découvert il y a deux ans que Tyler Cross allait connaître une suite. En effet, le dénouement du premier tome des aventures du truand m’avait laissé penser qu’il s’agissait d’un « one shot ». Le souvenir du plaisir dégagé par la lecture de cet album m’a incité à rapidement me procurer le recueil des nouvelles pérégrinations du gangster charismatique. La couverture le présente dans des vêtements de bagnard lourdement enchainé. « Si Tyler Cross sort un jour, ce ne sera pas pour bonne conduite. » Tout un programme…
Pour présenter Tyler Cross, on pourrait dire qu’il s’agit d’un mâle alpha taciturne qui a pour habitude de naviguer en eaux troubles. Il privilégie l’efficacité au long discours. Malgré le fait qu’il soit clairement du côté obscur, il éveille chez le lecteur de la fascination et une forme d’empathie. Il faut dire que son chemin croise rarement le meilleur pan de l’humanité…
« Angola n’est pas une prison. Sa vocation n’est pas d’enfermer les criminels, encore moins de les réhabiliter. Angola est une entreprise. Son unique raison d’être est de rapporter de l’argent… …Et à cet égard, c’est une entreprise modèle. » Voici les quelques mots des auteurs présentant le décor de l’histoire. Les auteurs, Fabien Nury et Brüno, ne s’attarde pas sur le cheminement qui a amené Cross à se retrouver dans ce bagne du bout du monde. L’objectif est de nous conter la capacité de survivre que va développer leur héros dans un milieu particulièrement peu accueillant.
Un homme enfermé dans un lieu horrible dirigé par des militaires sadiques et sans pitié et dont la loi du plus fort est la seule existant n’est pas un point de départ original. Le cinéma et la bande dessinée ont bien souvent exploité ce thème. Néanmoins, la maestria du scénariste Nury mise en valeur par le trait original de Brüno peut laisser espérer une réalisation splendide d’une recette classique. Cette saga s’inscrit dans l’univers large du roman noir et Angola fait honneur au genre.
En arrivant sur place, Tyler doit lutter contre deux ennemis : les gardiens d’un côté et ses colocataires de l’autre. Ces deux cohabitations complexes offrent un terreau narratif captivant et oppressant. Je me suis passionné par les stratégies mises en place par le nouvel arrivé pour se protéger et survivre. Son cerveau est constamment en train de cogiter sur l’attitude à adopter et tout le temps à fleur de peau pour observer le moindre de geste de chacun. L’absence de repos constante transpire de chaque page irradiant le lecteur. Je me suis senti envouté par le devenir de ce personnage dans ce huis clos.
Je me garderai de développer davantage l’intrigue. En effet, je n’ai pas envie de trop en dévoiler et gâcher ainsi la lecture de ceux qui voudraient partir à la rencontre de Angola. Sachez néanmoins que la dramaturgie ne décroit jamais tout au long de la petite centaine de pages qui composent l’album. Il s’agit d’un ouvrage dense, prenant que j’aurais plaisir à relire pour profiter encore davantage de l’atmosphère qui s’en dégage. Le travail d’illustration de Brüno est remarquable. Son trait est particulier et reconnaissable immédiatement. Le premier contact avec son style pourrait être perturbant mais rapidement on a du mal à imaginer un autre dessinateur pour donner vie à Tyler Cross.
Pour conclure, Angola est une suite de grande qualité à un tome précédent qui était déjà une belle réussite. Les deux tomes peuvent se lire indépendamment. Néanmoins, les deux valent le détour et il serait dommage de se priver de la découverte de l’un d’entre eux…