Ce que démontre "Angola", deuxième tome parfait (n'ayons pas peur d'utiliser les grands mots) de la nouvelle série "Tyler Cross", c'est que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes : c'est en accumulant sans aucune honte de tous les stéréotypes les plus rebattus du film noir US - le casse qui foire, l'évasion du bagne, les femmes fatales ou bien mères prêtes au sacrifice, les matons corrompus et sadiques, la mafia impitoyable, etc. etc. - que Nury crée son thriller à lui, complexe, paradoxal, construit sur une narration parfaite, tant du point de vue rythme que utilisation des flashbacks. Cinématographique, "Angola" l'est aussi dans sa "mise en scène", mais, si cela n'est plus une nouveauté depuis longtemps dans la BD contemporaine, le coup de génie de "Tyler Cross" trouve peut-être bien sa naissance dans le dessin stylisé et contre-intuitif de Brüno. Prenant l'ambiance "noire" à rebours grâce à une sorte d'ultra-lisibilité et clarté du trait, Brüno déréalise, conceptualise les situations usées - mais mythiques - de l'histoire, et les enrichit d'un commentaire artistique moderne qui leur redonne une nouvelle vie. C'est du grand art. [Critique écrite en 2016]