Le phare d’Ar-Men est l’édifice le plus à l’Ouest du Finistère, à dix kilomètres de l’île de Sein, en pleine mer d’Iroise. Un phare que l’on découvre dans les années 60, au moment de l’hélitreuillage de l’un de ses gardiens, Louis. Germain, lui, est déjà sur place. Hanté par de douloureux souvenirs, ce taiseux solitaire relate l’histoire du phare à travers les légendes qu’il racontait à sa fille et à travers le destin de Moïzez, nourrisson trouvé sur la plage en 1850 après un naufrage qui deviendra dix-sept ans plus tard un des bâtisseurs du phare, dont il sera le premier gardien.
Quel bol d’air cet album ! On en sort vivifié, fouetté par les embruns. A chaque page s’expriment la violence de la mer et la force des éléments déchaînés. Emmanuel Lepage convoque autour de l’incroyable épopée de la construction du phare des figures de la mythologie bretonne telles que l’Ankou ou la fabuleuse cité d’Ys et son maître Gradlon, roi d’Armorique. Il montre également le quotidien hors-norme des gardiens seuls au monde, entourés d’un environnement redoutable.
Pour ne pas perdre en route le lecteur parmi les époques et les récits enchâssés les uns dans les autres, le dessinateur use de différentes techniques. Aquarelle pour les années 60, lavis noir et blanc aux teintes brunes pour le 19èmes siècle et encres de couleurs pour la partie sur la ville d’Ys. Ces choix graphiques parfaitement clairs rendent la narration fluide et la lecture ne souffre d’aucune difficulté de compréhension particulière.
Au final je me suis régalé. C’est tellement beau, la puissance d’évocation de chaque planche maritime est renversante et l’histoire du phare se révèle passionnante. Un magnifique voyage au bout du monde (breton).