Le tome précédent avait un goût étrange, un goût amer qui, lors des dernières pages, donnait une saveur imprévue (≠ désagréable) aux affrontements en cours. Ce goût, qui pourrait se nommer tristesse se retrouve dans le huitième volume, plus dilué car présent sur quelques pages du côté de Tokuko ou de Sonia.
Une page se tourne dans l’Area 51, symbolisée par ces quelques pages intercalées entre les chapitres 32 et 33 et intitulées « Après la fête ». La deuxième insurrection des serpents est terminée. Il y a eu des pertes, des deux côtés, mais le bilan est lourd côté reptile : on ne compte plus de Dieu serpent sur Terre. Faut-il en conclure que le serpent originel ne fera plus jamais parler de lui ? C’est possible, à moins que la vérité ne soit ailleurs…
Du côté des autres divinités, certaines réaffections et reconversions ont lieu (le tome se termine d’ailleurs avec une ouverture de bar un peu agitée, avec un processus de narration très « enquête en cours »), des arrangements sont trouvés pour que les dieux nordiques ne voient pas leurs petites festivités retardées. Merci les divinités japonaises. Chez les grecs, la question est plutôt de savoir que faire des toutous d’Hadès mais Zeus se montre accommodant. Un peu trop peut-être…
Si les dieux ne pleurent pas les disparus (à moins qu’ils ne le fassent en cachette) c’est aussi parce qu’ils ont d’autres choses en tête. Comme dans chaque conflit, les pertes engendrées sont l’occasion de redessiner des alliances et des rapports de force. L’Area 51 n’échappe pas à cette règle. Les Dieux n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts.
La reconstruction est aussi à l’œuvre du côté de l’agence de notre détective préférée, avec le retour de Kishirô. Une virée du duo dans une école élémentaire coûtera cher à McCoy sur le plan financier (illustration parfaite d’une négociation inégale) mais elle permettra de mettre en lumière un point, à travers la caricature du parent d’élève : une forme de racisme qui peut exister dans l’Area 51 entre les différentes catégories de créatures. Les parents ne font pas toujours honneur à leurs enfants, surtout quand il s’agit d’une harpie (sa réputation la précède). Son fils n’a pas l’air d’être plus agréable (se méfier des fils de la Harpie, le Trône de Fer nous l’a appris).
Ce tome de transition ajoute sa pierre à l'édifice Area 51 pour quatre raisons :
- En lien avec le tome précédent, nous en apprenons plus sur le passé de McCoy, savoir pourquoi elle est là, ce qu’elle cherche. Du lourd pour la suite.
- Ce tome permet de renforcer un peu plus encore le personnage de Amaterasu (et pas seulement à cause du dos de la couverture, je vous vois venir !), son rôle, ses intérêts et son rapport avec McCoy.
- Avec l'école élémentaire, c'est une autre partie de l'Area 51 qui se dévoile ainsi qu'une belle leçon à propos des humains. On voit aussi qu'il est difficile de gagner sa vie dans la zone, surtout quand on est un Dieu avec une certaine spécialité.
- Enfin il y a les festins de l’Hécatocéphale, qui montrent que le patron de l'établissement est, définitivement, spécial. Mais si l'auteur continue d'y aller c'est qu'il doit apprécier. Je suis triste pour le kappa et le griffon et le bonus spécial... Plus les tomes passent plus je me demande si cette partie du manga n'est pas celle qui réclame le plus de temps aux traducteurs.
Ce huitième volume ne sera donc pas celui qui me fera décrocher de la série, bien au contraire. Drôle, touchant et rempli de références, il est à consommer sans modération. Je termine avec une citation du patron de l'Hécatocéphale, à propos de Area 51 : « J'adore ce manga. Il m'inspire, voyez-vous. » Cette phrase ne pourrait-elle pas être nôtre ?
Rendez-vous en septembre pour le tome 9, où Kishirô nous révèlera enfin la vraie raison de son retour...