Vadim Koczinsky coule des jours paisibles dans la maison de retraite « Les chrysanthèmes de l’Esterel » sur la Côte d’Azur, à Nice plus précisément, ville réputée pour sa moyenne d’âge relativement élevée. Mais si la douceur du climat attire les retraités, la ville attire aussi toute une faune désireuse de faire des affaires…
Entré à la Légion étrangère en 1958 pour fuir le régime communiste en Pologne, monsieur Vadim a bien roulé sa bosse et il aimerait désormais profiter tranquillement et se planter chaque jour à la même heure devant la télé pour regarder « Les coquillages de l’amour », le feuilleton qui lui rappelle sa défunte mère. C’est ainsi qu’il a contracté une assurance-vie suite à quelques soucis de santé. Il n’a pas hésité à signer le contrat définitif sur son lit d’hôpital, juste après une opération. Comme bénéficiaire, il a choisi son petit-fils Sasha qu’il souhaite mettre à l’abri du besoin. Sasha est le seul membre de sa famille encore en vie, puisque sa fille – la mère de Sasha – est décédée trois ans auparavant. Mais l’histoire familiale n’est pas simple et monsieur Vadim n’a pas vu son petit-fils depuis trop longtemps.
Crustacés ?
Non loin de la ville (Saint-Laurent-du-Var), Bart van Coppens un cafetier belge (enseigne « Noir jaune rouge ») défend sa place au soleil. Il ne se contente pas des affaires courantes, puisque ses livraisons de denrées alimentaires par camion couvrent un trafic autrement plus lucratif. Tout cela est connu de la pègre locale, contrôlée par un trio sans scrupules. Étant donné que l’intimidation et les menaces ne suffisent pas, la pègre passe à la manière forte.
Crime
Accompagnés de l’assistante sociale Stéphanie Mayer (qui plairait bien à l’un d’eux), des policiers viennent annoncer une mauvaise nouvelle à monsieur Vadim : M. Canesta, son curateur de biens auprès de qui il a contracté son assurance-vie, était en réalité un escroc qui s’est envolé en soldant tous les comptes qu’il gérait. Désormais sans ressources, monsieur Vadim va se retrouver à la rue !
Arthrose
Les circonstances – un hold-up au cours duquel monsieur Vadim surprend malfrats et policiers, malgré l’âge et son arthrose – attirent l’attention du cafetier belge qui approche monsieur Vadim au bon moment : l’ancien légionnaire a besoin d’un logement fixe et d’un emploi pour défendre ses droits. Tout en sachant qu’il s’engage sur un terrain glissant, monsieur Vadim finit par accepter la proposition de Bart van Coppens, pour ne pas faire une croix sur tous ses projets. Bien évidemment, il n’est pas au bout de ses surprises et les lecteurs (lectrices) non plus.
Menu dégustation
Ce premier épisode (54 planches) de Monsieur Vadim se lit avec plaisir, grâce à un scénario (signé Gihef) bien construit, qui apporte les éléments fondamentaux au fur et à mesure, tout en faisant monter la tension par moments et en nous laissant en pleine action, ne laissant aucun doute sur le fait qu’on doive attendre une suite (l’éditeur annonce un diptyque). Outre la personnalité et la situation de M. Vadim, l’originalité vient ici de la région où se situe l’action, l’album permettant notamment de mettre en valeur la ville de Nice qui ne se résume pas à la Promenade des Anglais.
Ingrédients et assaisonnement
L’ensemble bénéficie du dessin soigné de Morgann Tanco, agrémenté de couleurs signées Cerise qui donnent un certain caractère à cet album, grâce à de nombreux détails qui font mouche (exemple avec le couvre-chef original de l’homme à tout faire de Bart van Coppens), un découpage intelligent et un sens du mouvement qui agrémente les scènes d’action. Sinon, je sens quand même le dessinateur plus à l’aise sur les décors que les visages. À noter l’utilisation de vocabulaire typique, aussi bien pour M. Vadim pour faire sentir ses origines polonaises que pour le belge van Coppens et même pour le trio de gangsters locaux.
L’addition au prochain épisode ?
On appréciera le caractère du personnage principal, un individualiste au passé chargé, mais pas trop. Malgré de lourdes déceptions, il reste attaché à ses valeurs, la famille en particulier. Il tient à ses projets au point de prendre de gros risques personnels. Et son passé de légionnaire lui vaut des réflexes inattendus qui n’échappent pas à certains observateurs. Il se sent d’attaque pour utiliser son savoir-faire afin de reprendre le contrôle de la situation. Mais, ne présumerait-il pas un peu de ses forces ? N’oublierait-il pas que l’arthrose risque de lui jouer de sales tours aux moments cruciaux ? La suite devrait nous permettre de mieux jauger la situation.
Critique parue initialement sur LeMagduCiné