Asterios Polyp
8.1
Asterios Polyp

Roman graphique de David Mazzucchelli (2009)

A la fois message d'amour pour la BD mais aussi pour la vie, David Mazzucchelli nous offre ici une BD qui pense la BD. La forme se met au service du fond. Ce fond si doux qui parle simplement d'un homme en quête de reconstruction ? Pourquoi est il ce salaud prétentieux qui a put laisser partir sa femme ? Qu'a-t-il loupé dans sa vie ce mec si intelligent ? Remplie de réflexions, de détails, on peut relire la BD mille fois pour simplement ressentir au fur et à mesure les émotions, les pensés des personnages, comprendre tous les sous-entendus que David Mazzucchelli a glissé, et croyez moi, ils sont nombreux.
On peut aussi réfléchir sérieusement aux théories sur la mémoire, sur la représentation, sur la danse, la cruauté, etc ... qui sont distillés tout le long de l’œuvre.
Asterios Polyp, c'est le genre de chef d'oeuvre qui se lit, se relit, se rerelit, se vit au final ! Je prend toujours autant de plaisir à le lire après des mois et des mois de travaux dessus.

Petit parenthèse autobiographique, je suis étudiant en 2nd année de philosophie et je m'intéresse particulièrement à la philosophie de la narration et de la représentation en BD, gros coup de chance, un de mes profs aussi, j'ai donc réalisé un travail (de 31 pages quand même), sur la partie "souvenir" d'Asterios Polyp, son lien avec Hana et comment la forme permet de développer le fond de l'histoire. Je ne vais évidemment pas recopier ce texte là, mais je propose de mettre une partie de la fin où j'ai mis en avant les différents procédés techniques utilisés par Mazzucchelli, je ne pourrai dire tous tant ce livre fourmille de détails. Un travail approfondi serait nécessaire et j'espère avoir l'occasion de retravailler dessus à l'occasion.

Nous pouvons maintenant mettre en évidence la suite de procédés techniques propres à Asterios Polyp que Mazzuccheli a mis en avant et leur utilité [Je ne met pas d'exemples car à ce moment là de mon dossier j'ai déjà 29 pages derrières moi à ce propos]:
-Le dessin comme prolongement de soi. Ce style, un des plus particulier a été à la base du succès d'Asterios Polyp. Cette théorie permettant de donner à chacun sa propre apparence selon la façon de laquelle il se voit (en plus du style habituel de l'auteur) nous permet de mieux cerner l'âme des individus mais aussi de voir leurs oppositions ou leurs unifications.
-Les bulles et les polices de caractères personnalisés. Cette difficulté de transcrire la façon qu'ont des individus de s'exprimer a été surmontée par Mazzuccheli en donnant à chacun son propre mode d'expression visuelle. Nous pouvons y voir une individualisation renforcée grâce à cela.
-Le placement spatial. Souvent, comme nous l'avons vu, David Mazzuccheli commence chacune de ses séquences narratives par un angle large nous montrant l'endroit où l'action a lieu. Comme dans le théâtre où l'on change d'acte à chaque changement de lieu, Mazzuccheli commence chacune de ses scènes par un nouveau décor qu'il nous présente.
-L'identification à la couleur. Ce procédé rejoint celui du dessin comme prolongement de soi en supposant l'idée que certaine couleur sont le prolongement des personnages. On peut penser qu'il a effectivement raisons en prenant des exemples connus du grand public (Batman est lié à la couleur noir, Superman au rouge et bleu, Green Lantern au vert, Jill de La Femme Piège de Enki Bilal au bleu, etc …) .
-Les vignettes. Ces suites de petites cases ont permis à Mazzuccheli de montrer des actions rapides, minutieuses et souvent importantes bien que anecdotiques à première vue. Ce procédé permet de souligner en effet les détails d'une action.
-Les cases circulaires. Présente dans l'ensemble de l’œuvre, cette technique a permis de mettre en avant certains dessins en les mettant non dans des cases normales, mais dans des cases arrondies. Le problème de cette technique est bien souvent le sous-entendu que l'on doit soi-même comprendre. En effet, plus que la scène en elle-même où les propos qui sont racontés, c'est ce qui est sous-entendu par la scène que Mazzuccheli souhaite mettre en avant (l'amour entre Noguchi et Hana, la fleur qui est pure sous entend Hana, le couple qui est en harmonie, etc …).
-L'humanisation d'éléments non-humains. Cette tradition, dont l'un des principaux maître est Zola, qui avait déjà personnifié la mine de charbon dans Germinal en 1885, permet de faire sentir la présence de ce qui ne devrait pas l'être et ce faisant de montrer également le fonctionnement psychologique de certains personnages. Dans l'oeuvre, Noguchi est bien souvent humanisé, et les appartements de Kalvin et d'Asterios sont clairement vivants. Particulièrement le dernier, puisqu'il s'agit d'une sorte de réceptacle d'Ignazio, le frère jumeau mort-né d'Asterios.
-Les modifications de bulles (chevauchement, pointillés). En plus des bulles personnalités, David Mazzuccheli les modifie selon les envies et ses besoins. Cela lui permet de montrer le froid de celui qui parle (stalactites sous la bulle), le chuchotement (la bulle est en pointillée) ou bien encore le fait de couper la parole (une bulle chevauche alors une autre).
-Le contrôle des ombres et de la mise en lumière. Ce procédé très ancien, qui remonte à la peinture et a été énormément mis en avant par les photographes permet de mettre en avant un élément, parfois en arrière plan, en le mettant en lumière tout en laissant le reste dans l'ombre. La scène du réveil dans l'appartement d'Asterios après la première nuit d'amour en est la preuve, bien qu'assez éloigné de l'objectif, le couple est mis en avant car ils sont dans un espace lumineux par rapport au reste de la pièce.
-Les silhouettes sous forme d'ombre chinoises. Bien souvent, nous l'avons vu, les personnages ne sont plus que des ombres chinoises, souvent de profil. Ce procédé permet une déshumanisation des protagonistes, une transformation en forme pure. Bien souvent, l'auteur s'en sert pour opposé des éléments (Asterios sans sentiment face à Hana et sa mère, Willy Ilium face à ses danseurs).

Ces quelques procédés que nous avons pu dégager de notre étude montre le génie de David Mazzuccheli et l'énorme effort qui a été fait pour la production de cette œuvre. Nous ne pouvons nier cependant que ce travail ne représente qu'une petite partie de l'ensemble possible, il serait par exemple intéressant d'étudier, à l'inverse, les scènes du présent et non celle du passé et voir comment les chapitres se succèdent.
mavhoc
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le 14 mars 2013

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mavhoc

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