Avec Astérix chez Rahâzade (1987), Albert Uderzo nous embarque dans une aventure dépaysante où nos chers Gaulois troquent leurs sangliers et leurs menhirs pour des éléphants et des fakirs. Direction l’Inde, où le ciel est bleu, les palais resplendissants, mais où le soleil joue les grévistes. Le résultat ? Un album plein de charme, mais où la potion magique semble parfois un peu moins dosée.
L’histoire démarre quand le fakir Kiçàh (oui, ça commence fort avec les jeux de mots) débarque dans le village pour demander de l’aide : Rahâzade, une princesse indienne, doit faire tomber la pluie avec une danse rituelle, mais le soleil reste bloqué, et l’histoire menace de virer au drame météorologique. Ni une, ni deux, Astérix et Obélix montent dans la nacelle d’un tapis volant pour régler le problème. Le pitch a de quoi séduire, mélangeant exotisme, humour et un soupçon de fantastique.
Visuellement, Uderzo s’amuse comme un petit fou. Les décors indiens sont somptueux, entre palais magnifiques, jungles luxuriantes, et tapis volants qui virevoltent à travers les cases. Chaque page regorge de détails qui donnent envie de s’attarder pour en profiter. Les éléphants (en particulier Obélix qui leur grimpe dessus avec son enthousiasme habituel) et les fakirs en lévitation offrent des moments visuellement savoureux.
Côté humour, on retrouve la patte d’Uderzo avec ses jeux de mots plus ou moins subtils et ses situations absurdes. Les interactions entre Astérix, Obélix, et les personnages indiens (notamment le fakir qui ne jure que par les tapis volants) sont pleines de légèreté. Mais si certaines blagues font mouche, d’autres tournent un peu en rond. On sourit souvent, mais les éclats de rire francs se font un peu plus rares qu’à l’accoutumée.
Obélix, comme toujours, vole la vedette dans les moments comiques avec sa naïveté et son obsession pour les repas gargantuesques. Astérix, de son côté, garde son rôle de meneur intelligent, mais il reste parfois en retrait face à un scénario qui manque légèrement de dynamisme. Le fakir Kiçàh, bien que drôle, reste une caricature sympathique sans grande profondeur.
Le rythme de l’histoire est, lui aussi, en dents de scie. Le voyage en tapis volant est original et offre quelques scènes sympathiques, mais l’intrigue met du temps à décoller. La fin, avec la fameuse danse pour faire tomber la pluie, manque un peu d’intensité dramatique, même si elle reste fidèle à l’esprit bon enfant de la série.
En résumé, Astérix chez Rahâzade est une aventure exotique et plaisante qui se distingue par son cadre dépaysant et son sens du détail visuel. Albert Uderzo nous prouve qu’il sait encore nous faire voyager, même si la potion magique de l’humour et du rythme est ici un peu moins pétillante. Une lecture agréable, où le tapis volant fait planer l’esprit… mais sans l’embarquer complètement au septième ciel.