Avec Astérix en Corse (1973), René Goscinny et Albert Uderzo signent un des albums les plus savoureux de la série, où nos Gaulois préférés débarquent sur l’île de la beauté pour une aventure empreinte de soleil, de fierté locale, et de vendettas éternelles. C’est une ode drôle et piquante à la Corse, avec son lot de clichés bien sentis et de répliques qui sentent bon l’immortalité comique.
L’histoire commence comme souvent : une bagarre mémorable dans le camp romain voisin, mais cette fois-ci, le prisonnier libéré n’est autre que Ocatarinetabellatchitchix, un chef corse exilé. En bon Corse, il décide de retourner sur son île pour régler ses comptes, et Astérix et Obélix, fidèles à leur passion pour les aventures (et les banquets), l’accompagnent. Ce qui suit est un voyage dans une Corse caricaturée avec amour, où les paysages magnifiques n’ont d’égal que l’impassibilité légendaire des Corses… à condition qu’on ne touche pas à leur honneur.
Astérix et Obélix brillent dans cet album comme guides imparfaits de ce choc culturel. Astérix, avec son sens pratique et son esprit affûté, tente de naviguer dans les intrigues locales, tandis qu’Obélix, toujours égal à lui-même, découvre avec fascination une île où les sangliers semblent encore plus goûteux que chez lui. Leur duo fonctionne à merveille, d’autant que leur humour se heurte parfois au flegme imperturbable des Corses.
Ocatarinetabellatchitchix est un personnage inoubliable : fier, imperturbable, et doté d’un art consommé de la sieste comme arme stratégique. À travers lui et les autres habitants de l’île, Goscinny et Uderzo s’amusent à caricaturer des traits bien connus : l’honneur intransigeant, les vendettas qui durent depuis des générations, et un sens aigu du patriotisme local. Les Corses de l’album sont à la fois hilarants et étrangement admirables, un parfait équilibre entre moquerie et respect.
Visuellement, Uderzo fait des merveilles. Les paysages corses, des montagnes escarpées aux côtes baignées de soleil, sont sublimés par son trait, et chaque planche regorge de détails qui invitent à s’arrêter pour contempler. Les expressions des personnages, des Romains dépassés aux Corses impassibles, ajoutent une couche supplémentaire d’humour visuel qui complète à merveille les dialogues.
Les dialogues, justement, sont un régal. Goscinny s’amuse avec les expressions corses, les longues pauses chargées de sens, et les répliques ciselées qui touchent juste à chaque fois. L’humour, comme toujours, oscille entre absurde, jeux de mots, et satire légère, avec des clins d’œil malicieux qui parlent aussi bien aux enfants qu’aux adultes.
Si on devait chercher un petit défaut, ce serait peut-être l’absence de moments vraiment épiques. Astérix en Corse est avant tout une comédie de mœurs, où l’action laisse souvent place à des scènes plus contemplatives. Mais c’est aussi ce qui fait son charme : cet album est un hymne à la lenteur, à la sieste, et à l’art de savourer chaque instant.
En résumé, Astérix en Corse est un album brillant, drôle, et rempli d’un amour palpable pour la Corse et ses habitants. Goscinny et Uderzo réussissent une fois de plus à créer une aventure universelle qui reste profondément ancrée dans une culture locale. Une lecture qui donne envie de visiter l’île… mais sans trop énerver ses habitants. Par Toutatis, quelle ode au farniente et à l’honneur !