Bien sûr, je n'avais que 8 ans quand j'ai lu "Astérix et les Goths", deux ans environ après sa sortie, ma mère me l'ayant offert avec les deux premiers tomes de cette nouvelle BD à succès. Bien sûr, je n'étais pas à l'époque un lecteur bien rapide et je me souviens que traverser toutes les pages d'un Astérix relevait de l'épopée. Bien sûr, je ne comprenais pas tous les gags (en fait je n'ai repéré celle du "général Electric" que juste aujourd'hui, la honte !), mais j'aimais beaucoup les baffes qui pleuvaient et aussi l'imbécilité crasse des militaires de tous bords qui est le principal ressort de l'action cette fois (une imbécilité à peine caricaturale puisque Goscinny, avec son brio habituel, lui donne source dans le respect absurde des consignes et la crainte animale de l'autorité...) : peut-être même que mon anti-militarisme primaire a trouvé naissance dans cette description hilarante du chaos provoqué par la conjonction fatale entre les ambitions personnelles des chefs (et des moins chefs) et la violence systématique comme unique réponse face à l'incompréhensible.
Vu d'aujourd'hui, cet Astérix un peu oublié est néanmoins l'une des premières vraies réussites de la série, grâce à une construction impeccable, un rythme narratif soutenu, un humour parfait (le simplissime mais immortel "il est déchaîné"...), et l'efficacité déjà maximale du dessin d'Uderzo (un peu desservi quand même par une colorisation pour le moins défaillante... au moins dans mon exemplaire datant de l'époque). On regrettera sans doute la répétitivité déjà à l'oeuvre dans le prétexte du "voyage" (l'enlèvement, figure obligée du genre), mais on appréciera la prise en compte par le scénario de la différence de langages (avec la jolie idée de l'écriture gothique) et des conséquences de l'incommunicabilité, soit un sujet que Goscinny sous-exploitera par la suite, les habitants de tous les pays semblant toujours partager un langage commun fort improbable...
[Critique écrite en 2018]