#01 :
Il suffit d'être clair : Tezuka est l'un des vrais génies de la BD et du dessin animé à la fois, au niveau des Disney, Miyazaki ou Hergé, et "Astro Boy" est son grand œuvre. Il est aussi l'un des inventeurs du manga moderne, soit quand même l'une des formes de littérature dominantes en ce début de XXIè siècle. Tout cela est bien connu désormais, presque "institutionalisé", mais ne garantit pas pour autant notre plaisir à la découverte d'une oeuvre datant du début des années 50. Or, "Astro Boy" est tout simplement soufflant, entre le graphisme au dynamisme enthousiasmant - on remarque même ça et là un désir de transcender la rigidité de la case - et scénarios délirants, mêlant violence réaliste (oui, on meurt dans "Astro Boy" !) et surréalisme poétique. Ces 200 pages nous emmènent jusqu'au Cap - déchiré par les préjugés "raciaux" - et au Pôle Sud, nous font découvrir les beautés d'une promenade poétique dans les sous-bois tokyoïtes, nous expliquent que les robots souffrent aussi, nous rappellent que le meilleur endroit du monde, c'est les genoux d'une mère, sont tout simplement parfaites, et confirment ce qui n'avait pas besoin de l'être, que le génie transcende les époques. [Critique écrite en 2009]
#02 :
Dans les 3 aventures, dont deux longues d'une centaine de pages, rassemblées dans le second tome de cette belle anthologie, Astro Boy rencontrera la superbe Cléopâtre, reine d'Egypte, qui n'est bien entendu qu'un robot aux mains de vils manipulateurs qui convoitent le pouvoir. Il retrouvera - sans le reconnaître - son père, le professeur Tenma, dont le comportement pour le moins ambigu (sans parler du fameux chapeau / masque) ne nous est pas très sympathique. Il ira sur la Lune se frotter à un grand robot ridicule (portant un casque à cornes !) parfaitement crétin, mais tellement maternel. Et il se battra, pour finir, contre de dangereux évadés qui veulent s'emparer des réserves d'uranium du Japon, mais dont l'un est surtout obsédé par le rêve de terminer l'œuvre de sa vie : son fils-robot auquel il veut conférer des pouvoirs qui le distingueront de la masse des autres robots. On aura compris que rien ne freine l'imagination délirante d'Osamu Tezuka, mais aussi que, dans le fond, tout cela n'est guère que l'histoire du manque d'amour entre un père et son fils, et de la triste terreur qui saisit tous les enfants abandonnés et obligés de se frotter seuls à toute la méchanceté du monde… [Critique écrite en 2009]
#03 :
Parfois divinement poétiques, régulièrement délirants, et toujours émotionnellement inspirés (l'enfant fleur seul survivant d'une planète détruite par un désastre écologique, la soeur-robot qui se sacrifie en devenant la voiture de rêve de son frère, etc.), les aventures d'Astro Boy ne manquent pas non plus d'humour (voir la mise en abyme régulière du récit par des clins d’œil au lecteur, qui reprennent certains des mécanismes inventés par Tex Avery), mais c'est sans doute au final le dynamisme enthousiasmant du dessin de Tezuka qui reste en mémoire à chaque fois que l'on referme un nouveau tome de cette superbe anthologie : tout ici est fête du mouvement, trajectoires élégantes et formes architecturales typiques d'un futur antérieur qui n'aura malheureusement jamais existé... Soit l'une des plus belles réussites de la bande dessinée, que l'on appelle ça manga ou non... [Critique écrite en 2010]
#04 :
Le grand récit qui compose la majeure partie de cette anthologie, "Le corps des hot dogs", constitue une sorte de synthèse idéale des qualités de "Astro Boy" : un postulat de base génialement délirant (des chiens transformés en cyborgs, dont les instincts canins remontent à la surface), des rebondissements dignes de la meilleure sci-fi naïve des origines (combat d'aéronefs entre la terre et la lune, cité perdue sous la surface de la lune avec son trésor de diamants), des personnages dont les rapports extrêmement émotionnels déterminent les actes - plutôt que la raison (Astro Boy se tient définitivement do côté du cœur), et des bouffées d'humour délirant qui confèrent aux sagas héroïques et souvent violentes de Tezuka une légèreté bien venue. On ne peut sortir de la lecture des meilleurs récits de "Astro Boy" que régénérés par la fougue poétique qui irrigue en profondeur ce manga vraiment pas comme les autres. [Critique écrite en 2010]
#05 :
Est-il désormais possible de lire "le robot le plus fort du monde", qui est quand même l'un des mangas les plus célèbres de l'histoire, et qui voyait Tezuka "moderniser" les aventures d'Astro Boy en le faisant affronter d'autres robots dans des combats titanesques qui marquèrent l'imaginaire de centaines (de milliers ?) d'enfants, sans automatiquement faire la comparaison avec la re-lecture post-moderne que Urasawa nous en a livré il y a peu ? Cette comparaison relègue-t-elle pour autant l’œuvre de Tezuka dans le placard des œuvres qu'on ne lit que par pure nostalgie ? L'humanisme touchant d'Astro, si bien recréé par Urasawa, la complexité "politique" des rapports entre les forces diverses ici à l’œuvre, les menaces contre l'équilibre géo-écologique (qui sont également au centre du second récit de cette anthologie, "Astro Boy contre Garon"), l’ambiguïté des relations amour-haine entre les personnages, etc. Tout est pourtant déjà ici, dans une version forcément "enfantine", mais pas moins impressionnante. Si quelque chose vieillit un jour chez Astro, ce sera plutôt la foi invincible de Tezuka en la bonté de l'humanité, fut-elle l'humanité des robots... [Critique écrite en 2011]
#06 :
On n'attendait pas ce sixième volume venant s'ajouter à une anthologie qui avait été présentée comme "définitive" en 5 volumes, mais pourquoi faire la fine bouche : il suffit de se laisser emporter une fois de plus au fil des ses histoires aussi délirantes qu'émotionnellement intenses, et au final, de dire "Merci, Monsieur Tezuka", pour cet enchantement que la lecture des aventures de votre petit robot au grand cœur ne manque jamais de faire naître. Il y a, comme toujours, l'incrédulité devant les inventions fabuleuses de Tezuka (mention particulière ici à la "Panthère de l'Espace", un concept quasi surréaliste...), l'émerveillement devant la capacité qu'a Tezuka d'exprimer une intense poésie à partir des ressorts classiques d'une Science-fiction apocalyptique assez classique de l'imaginaire nippon, l'admiration devant la foi en l'humanité dont témoignent ces récits pourtant hyper-réalistes tant ils sont nourris de travers humains (soif de pouvoir, manipulations politiques, trahison cruelle, etc.). Et s'il y avait un septième tome à venir ?[Critique écrite en 2013]