Atar Gull ou le Destin d'un esclave modèle par Eric17

« Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle » est paru chez Dargaud à la fin de l'année dernière. Ma curiosité s'est orientée vers cet ouvrage par la présence de Fabien Nury au scénario. Ce dernier est un de mes auteurs favoris qui, à chaque nouvelle production, nous offre un petit chef d'œuvre. Que ce soit « W.E.S.T », « Je suis légion » ou encore « Il était une fois en France », chacune de ses séries est un moment de lecture d'une rare intensité. C'était donc avec une confiance certaine que je m'apprêtais à me plonger dans ce nouveau « one shot ». Pour ce projet, Nury s'associe à Brüno qui se voit confier les dessins. Je le découvre avec ce livre. Je n'ai pas souvenir d'avoir déjà lu un bouquin dont il serait chargé des illustrations. Les couleurs sont l'œuvre de Laurence Croix. La page de garde nous informe cette histoire est adaptée d'un roman d'Eugene Sue que je ne connaissais pas jusqu'alors. La couverture de l'album est très réussie. Elle nous offre le visage d'un esclave noir impressionnant au regard qui ne laisse pas indifférent. Sur un fond de ciel orange, il surplombe des esclavagistes. Le livre se compose de plus de quatre-vingts pages et offre un grand confort de lecture. Son prix avoisine les dix-sept euros.

La quatrième de couverture nous offre un extrait de dialogue décrivant le héros : « - Il s'appelle Atar Gull. – Pourquoi me dire son nom ? Ce sont les planteurs qui les nomment. Nous autre qui faisons la traite, nous ne devons pas nous laisser attendrir. – Je vous demande pardon. Mais je peux quand même vous dire son prix... »

L'histoire se construit autour du personnage d'Atar Gull. Il est une véritable force de la nature qui se trouve au début de l'histoire embarqué en tant qu'esclave sur un navire. Dans un second temps, il est vendu et travaille dans une plantation. L'intrigue se décompose donc en deux parties de taille équivalente. La première s'intitule « La traversée ». Elle nous plonge dans les négociations en Afrique entre celui qui accumule les esclaves et celui qui est venu se les offrir pour les revendre. Ensuite, on profite de la traversée en elle-même avec ses problèmes matériels et les risques occasionnés par la valeur de la « marchandise ». Cette partie du livre est très bien construite. On se passionne très vite pour l'histoire et notre empathie pour Atar Gull est évidente. Il va sans dire que la thématique de l'esclave rend notre choix facile entre les deux camps. Néanmoins, au-delà de la révolte naturelle que génère ce marchandage humain, le personnage principal arrive à faire naitre en nous des sentiments relativement intenses par son aura et son charisme.

La seconde partie démarre au milieu de la narration. Atar Gull est vendu au propriétaire d'une plantation de coton. On découvre alors un autre aspect de ce commerce. Notre héros est maintenant propriété d'un homme pour lequel il travaille. On le voit chercher à se créer un statut particuliers et à faire en sorte que son maitre ne le voit pas comme n'importe quel esclave. La capacité d'adaptation d'Atar Gull à son nouvel environnement est remarquable. On est enthousiaste de le suivre dans sa mission. On est prêt à tout accepter de sa part dans sa mission. Malgré une ambiance très différente de celle qui accompagnait le début de l'histoire, notre attention ne diminue pas, bien au contraire. La narration est vraiment dense, passionnante. L'intensité ne diminue jamais vraiment. Il s'agit incontestablement d'un ouvrage d'une grande qualité. Fabien Nury a, une nouvelle fois, était grand.

Mais si cet ouvrage possède une identité propre, il ne la doit pas uniquement à son scénariste. Le travail graphique de Brüno est remarquable. Il possède un trait original qui possède une vraie signature. Je n'ai pas le vocabulaire rigoureux pour décrire son style. Je trouve qu'il habite parfaitement ses personnages qui possèdent chacun une identité forte malgré un trait d'apparence épurée. Sa gestion des ombres est remarquable. Les couleurs de Laurence Croix accompagnent parfaitement le dessin et offre à la lecture une atmosphère envoutante qui participe activement à notre dépaysement.

En conclusion, « Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle » est un ouvrage de grande qualité. Il offre un plaisir de lecture certain. Cet ouvrage, bien que relativement long, se lit d'une traite. On est habité par l'histoire dès le prologue qui nous présente un jeune enfant qui lors d'une veillée funèbre se promet de ne jamais pleurer. Je ne peux que vous inciter vivement de partir à la découverte de cet album. Il est original et se démarque de la majorité des parutions actuelles. Et n'est-ce pas qu'on cherche à trouver en naviguant dans les rayons des librairies ?