Album épais, Atar Gull conte le parcours d’un africain arraché à ses terres natales
jusqu’à…
Le dessin est simpliste, stylisé, efficace.
Le trait est épais, les couleurs en aplats et les ombres noires, profondes rendent la lecture facile et agréable, accessible. Tout y est jeu de contraste. Exprimer les sentiments aux visages n’y est guère aisé dans le dénuement du trait, et les sourires ou les larmes constituent la base, mais l’imagination fait le reste.
Le scénario nous emmène d’un ancestral feu tribal jusqu’en Jamaïque en passant par les cales d’un négrier, et l’Atar Gull adulte que l’on découvre avant l’embarquement est aussi épais et solide que le trait de Brüno, un colosse africain, ce qui lui vaudra de valoir plus que ses congénères au marché aux esclaves de Port Royal. L’homme se révèle sage tout au long de la première partie, le premier à comprendre leur condition dans les cales humides et malsaines :
il n’y a plus ni roi ni tribu ici.
Esclave à la plantation de canne à sucre de Tom Will, magnifiques dessins et séquence importante au broyage de la canne, Atar Gull est un travailleur modèle jusqu’à ce qu’il retrouve le cadavre, pendu, de son vieux père, et commence de fomenter sa vengeance. L’album prend
une tournure plus sombre après un moment de clarté.
Atar Gull, c’est l’histoire de l’esclavage au XIXème siècle, avec tout ce qu’il y a à y voir reconstitué parfaitement par le dessin de Brüno, marchés, plantations, punitions, maladies et mort, un catalogue presque exhaustif des ravages au cœur des hommes, esclaves et propriétaires, rarement épargnés par les révoltes ou le climat.
Un formidable document historique par bien des aspects.
Atar Gull, c’est aussi un scénario équilibré et prenant de Fabien Nury, assez inattendu en ce sens où les hommes y sont seuls, qui manque peut-être un peu de sentiments nuancés. Où le héros ne joue que pour lui dans un noir dessein : l’histoire d’un africain déporté devenu impitoyable envers ses bourreaux, fidèle dans la vengeance jusqu’à la fin, l’histoire d’un homme qui laisse sa vie, ses joies, de côté, pour
se noircir l’âme de haine au point de s’oublier et de se perdre.
Totalement.
Atar Gull ou l’homme qui n’a fait que construire son propre malheur et creuser sa solitude.