Tiha, tiha ... mais, c'est Natacha !
Un mystérieux colis est confié à Natacha.
Un satellite chute sur terre !
L'avion de la BARDAF est contraint d'atterrir en urgence !
Un étrange sorcier sauvage prophétise l'arrivée de Natacha sur l'île.
Natacha est kidnappée !
Walter, recherché par toutes les polices, doit faire équipe avec une séduisante inconnue pour la sauver !
Un pitch très alléchant, aux milles pistes narratives qui, on s'en doute, vont se rejoindre.
Un album maxi-best-of
La folle aventure d'Atoll 66, née de l'esprit d'un scénariste inconnu à la sortie de l'album, est portée par un ensemble de points positifs. Structurée de manière virtuose, bénéficiant de citations lyriques de grands auteurs toujours justifiées et hilarantes comme de très belles tournures de phrases au moment le plus inattendu, elle en appelle à la nostalgie du lecteur en convoquant un très grand nombre de références aux autres albums.
Références et non fan-service ! Des péripéties si nouvelles et mises en lien avec les albums précédents qu'on en adopterait le toc verbal du Commandant Turbo, oscillant entre le "J'ai déjà vu ça !" et le "Je n'ai jamais vu ça !" Les sauvages de Natacha, hôtesse de l'air, la robe de soirée des Nomades du ciel, une résolution mêlant L'île d'outre-monde ou Natacha et les dinosaures sur la forme et La Mémoire de métal sur le fond. Walthéry et Guy d'Artet récitent les éthiopiques de Senghor, ce qui n'est pas sans rappeler la présence du poète dans Un trône pour Natacha. Du poète, ou du moins de sa caricature.
Kari'k Atur 66
Atoll 66 cumule les références mais aussi les caricatures, ce qui le rend plus jouissif encore.
Le grand méchant de l'histoire sera ainsi incarné par Morris, le papa de Lucky Luke, qui se comporte comme un vrai Dalton vers la fin de l'album. Sous ses ordres, Keith Ritchards et Ronnie Wood, deux pierres qui roulent et amassent beaucoup de mousse !
Face à eux, Natacha, Walter, Turbo (plus sur le terrain que jamais), un commissaire de police et .... Gaston Lagaffe ! M'enfin !
Plus obscures ou moins assurées, des caricatures telles qu'une marche à la Abbey Road de Natacha et des Rolling Sbires interrompue par le surgissement d'un papillon tout droit sorti de la pochette de House of Love des Rolling Stones, un cycliste néerlandais en référence à un coureur inconnu de votre serviteur, un ancêtre d'un ami comte de Natacha représenté en statue et physiquement très proche du druide Panoramix ainsi qu'un éventuel François Hollande en majordome douteux ...
La caricature cède sa place à la satire - qui va certainement plus loin encore en Belgique - lorsque les sauvages mêlent poèmes de Senghor et langue pseudo-wallonne.
Le rituel consistant à sacrifier la succulente Natacha charge la fête traditionnelle belge du Matî l'Ohê. La fête consiste en l'enterrement à la fois burlesque et symbolique - on y rit comme on y pleure - des os et des croutes accumulés durant les festins du carnaval pour signifier la fin des festivités et le début du carême. Chez les sauvages, c'est notre belle hôtesse de l'air que l'on sacrifie au dieu Mathieu l'os (traduction de Matî l'Ohê) après l'avoir passablement avinée et ligotée à un totem, qui, lui-même, semble ivre. La victime est si belle (et si sexy !) et le crime est si gai ! La fête belge se change en rituel cannibale et/ou délire érotique assez hilarant.
Et la caricature va plus loin encore ! La demoiselle en détresse appelle au secours et son gauche chevalier servant reconnaît sa voix à la grande surprise de son alliée. Et pour cause ! Les sauvages parlent wallon et Natacha possède selon Walter "une voix reconnaissable !", "un accent bien de chez nous" ! Faut-il comprendre que Natacha parle flamand ? Etrange venant d'un Officier du Mérite wallon ! Atoll 66 s'aventure-t-il dans les récifs d'une burlesque dispute wallon/flamand ou s'amuse-t-il avec les richesses de la langue protéiforme belge ? Quoi qu'il en soit, c'est très intéressant et très amusant ! La caricature, plus fine dans cet album, n'est pas uniquement visuelle mais aussi littéraire et linguistique !
Le petit moins: le satellite
L'album commence en catastrophe (ce qui est, avouons-le contraire au sens premier du mot) avec un satellite mis en difficulté et chutant dans l'atmosphère.
Spectaculaire, clin d'oeil intelligent à un phénomène plus fréquent qu'on ne le croit et à un événement ayant défrayé la chronique en 1979, cette péripétie ne sert finalement pas à grand chose dans le récit.
Elle explique la longueur de l'escale qui aurait pu recevoir mille autres causes moins folles. La fantaisie d'une telle péripétie, de sa concomitance avec l'aventure de Natacha, demandait peut-être qu'on la relie au complot d'espionnage déjoué.
C'est un petit moins qui peut décevoir. Mais ne faisons pas les princesses au petit pois car, de son côté, notre princesse ...
Le Petit plus: Natacha donne du mou
De son côté, notre hôtesse de l'air préférée accepte de jouer les belles captives (et même les belles gaffeuses dans une scène en avion). Mini-jupe fendue, haut court, Natacha s'habille pour l'exotisme de l'île imaginaire de Tiha-Tiha, sorte de Haïti et de Tahiti2 en 1, et de son Atoll 66, pour le plus grand plaisir du lecteur masculin, qui aura eu aussi le plaisir voyeur de la voir se vêtir en hâte en début d'album.
En rouge et noir, elle ne se lance pas dans la chanson, mais use de son sex-appeal pour railler les captives: elle est saoule, elle voit trouble, elle rote, elle ne comprend rien à ce qui se passe, elle rabroue Walter venu la sauver, elle l'épuise en jouant les poids morts. Après avoir eu son propre lot de péripéties, évidemment.
Cela laisse aux repoussoirs, Walter et Turbo, le champs libre pour se montrer héroïques. Comme dans le diptyque Caltech/Machines incertaines, Walter bénéficie, dans la deuxième partie de l'histoire, d'une place prépondérante. La dernière partie du récit, quant à elle, amorce un passage en force de Turbo, sans toutefois lui donner le rôle de sauveur qu'on aurait pu imaginer.
Atoll supertoll pour Natacha OSS66
En conclusion, un très bon album de la série des Natacha qui eût été meilleur encore en justifiant plus la péripétie du satellite en chute, en donnant un rôle plus important au Commandant Turbo.
Mais un véritable jeu de références, de pistes narratives et de caricatures diverses !
On ne regrette ni le séjour ni le vol !