Rahan des regrettés Roger Lécureux et André Cheret a eu beau promener sa chevelure blonde et son coutelas pendant plusieurs décennies, le personnage semble avoir échappé à la parodie, qu’elle soit amicale ou féroce.
Il y a pourtant eu une exception en 1987 chez Vents d’Ouest, dans un album dédié, avec Gégé et Malo Louarn, deux auteurs qui ont connu une carrière assez discrète. Cette BD n'avait d'ailleurs pas encore eu les faveurs d'une page Senscritique.
Mââ-Rhan est blond, il est musclé, il a un pagne. Comme son modèle littéraire, Mââ-Rhan veut aider l’humanité. Mais la bêtise des hommes qui marchent debout est solide comme du silex, et les bonnes intentions du héros se retournent souvent contre lui.
C’est ainsi qu’il va s’opposer à un sacrifice humain qui n’était qu’une couverture d’un sorcier pour garder les jeunes femmes, libérer un esclave qui ne pourra plus le quitter, ou inventer la démocratie à coups de massue.
Toutes ces petites histoires se moquent évidemment de l’altruisme de Rahan et de ses bonnes volontés pour améliorer le sort de ses congénères. Le progrès technique est là aussi important, mais de façon détournée. Pour arriver à monter un monolithe au dessus de la falaise, grâce à Khaal ou plutôt son cadavre faisant obstacle entre la pierre et la pente, Mââr-han découvre la cale. Pour faire passer un mammouth de la terre à une île, c’est le pont qui sera découvert, par le biais de nombreuses évolutions bien malheureuses.
Cette aventure fait d’ailleurs partie des meilleures de l’album, grâce à la présence d’une tribu concurrente, préfigurant le capitalisme. A chacune des avancées du grand blond aux biceps gonflés, elle va réussir à trouver un moyen de percevoir une part en créant une nouvelle demande. Cela se terminera par un droit sur le pélage de l’animal pour passer : le droit de péage est né. La parodie de Rahan semble d’ailleurs parfois s’effacer, Mââ-Rhan pouvant très bien exister sans la référence.
C’est quand la BD arrive à mêler moquerie de certains travers toujours d’actualité et ce contexte préhistorique doucement fantaisiste qu’elle arrive à être la plus drôle. La grandiloquence de Mââ-Rhan qui lui cause bien des soucis est aussi amusante, entraînant de nouvelles situations.
Mais l’humour touche bien moins souvent les zygomatiques du lecteur qu’attendu. Les auteurs veulent en mettre trop, les cases sont chargées. Le dessin de Gégé est légèrement outrancier et détaillé, rappellant Maester. Il lui manque les gags visuels, l’auteur préférant la prestance exagérée de ses personnages, dont Mââ-Rhan en première ligne. Mais l’absence de couleurs lui porte préjudice, elle aurait pourtant permis de jouer sur les différences de plans et de mieux distinguer les éléments. Le noir et blanc écrase la lecture.
Mais ces cases sont aussi chargées car l’album n’est pas avare en textes. Les petits commentaires des scènes de groupe sont ainsi un des fils rouges et Mââ-Rhan aime bien déclamer, ou ramener sa fraise. Quelques bons mots et autres plaisanteries peuvent s’y trouver, mais attention à l’overdose. Dans la première histoire, les clins d’oeil à la chaîne de magasins Mammouth sont trop nombreux.
Est-ce qu’à l’image de Mââr-han, cette BD veut en faire trop ? C’est bien probable. L’humour se voudrait de l’esprit sarcastique de Fluide Glacial, mais se rapproche plus de celui du Journal de Mickey, la faute à une causticité réduite et une exagération un peu naïve. Quelques jeunes femmes dénudées (mais bien dessinées) et un peu de sang ne suffisent pas. Il y a tout de même quelques bonnes idées, et le trait est travaillé, de quoi permettre une lecture qui offre quelques moments amusants, entre d’autres plus maladroits.