En 1988, le journaliste français Gilles Farcet se rend à New York auprès d´Allen Ginsberg, poète et membre éminent de la Beat Generation, mouvement littéraire et artistique épris de liberté qui a innervé la contre-culture américaine tout au long du 20e siècle avec des œuvres parfaitement dingues comme Le Festin nu, Howl ou Sur la route. Sauf, qu'en 88, le déclin semble déjà amorcé pour le mouvement où seul Ginsberg s'agite encore tandis que Kerouac a déjà passé l'arme à l'extrême droite et Burroughs, déjà moyennement serein à son apogée, a clairement basculé du côté obscur de la défonce. Autant vous prévenir que si vous pensiez sauter dans une caisse, sur les genoux de Neal Cassady dans un remake de Sur la route, vous risquez d'être un peu déçu. Les célèbres orgies de Beat semblent loin et la bd nous offre un aperçu un peu désenchanté d'un mouvement qui ressemble plus à une association venant en aide aux Clochards célestes qu'à l'attraction culturelle qu'elle fût jadis. Il n'empêche que la bd reste passionnante pour son exploration de l'héritage Beat, le portrait de ses derniers porte-drapeaux et comment son esprit se dilue au sein de ce formidable maelstrom bordélique qu'est l'Amérique. Comme pour mieux illustrer ce procédé chimique culturel, c'est le fascinant coup de crayon de Jodorowsky qui se charge de mettre en forme cet univers interlope et ses quelques survivants, ultimes rejetons d'une faune sauvage en voie d'extinction mais dont l'énergie semble encore faire quelques étincelles.