Au Nom du Diable - Hellboy, tome 2 par DukE
En Norvège, les nazis rassemblent leurs forces et remettent sur les rails leurs projets avortés en 1944. On dit même que Vladimir Giurescu, un homme du XVIIIe siècle, à la résistance exceptionnelle, se serait réveillé dans les murs de son château, en Roumanie. Le sang d'Hécate, mère du Chaos, coulerait dans ses veines... Bienvenue dans le quotidien de Hellboy !
Voici assez d'activités pour motiver l'attention du Bureau de Défense et de Recherche sur le Paranormal (le B.P.R.D.) qui réunit pour l'occasion ses meilleurs agents de terrain.
Parmi eux Clark, Abe Sapien, Waller, Liz Sherman, Hellboy et Leach. Malgré la solennité de ses supérieurs, Hellboy prend toute cette agitation maléfique avec beaucoup de distance. Il devra cependant résister à l'appel de ses sombres origines et se défaire du destin que certaines puissances rêveraient de le voir endosser. Hellboy prenait cette mission à la légère. Mal lui en a pris car l'équipe ne reviendra pas au complet...
Le personnage de Hellboy, et le dessin de Mignola en général, peuvent avoir quelque chose de rebutant, de faussement primaire. Se pencher au préalable sur des séries comme Sin City (Frank Miller) peut aider à se faire une meilleure idée de la complexité du travail de Mignola. On découvre un réel travail des masses de noirs, du découpage des scènes, de l'adaptation mais surtout de la réinvention de cet univers lovecraftien. (À ce propos, Wake the Devil en dévoile un peu plus sur toute la mythologie terrestre et spatiale qui sera développée en filigrane à travers toute la série, et notamment dans le sixième tome The Conqueror Worm.) Mignola donne aux personnages la souplesse que la raideur de son trait semble pourtant leur interdire. Le même miracle se produit concernant la personnalité des protagonistes. Comment Mignola peut-il suggérer une telle vie intérieure avec ces visages taillés dans le roc ?
Sans doute trouve-t-il le trait juste et nécessaire, celui qui illumine ou au contraire plonge le visage du personnage dans un abîme de perplexité. Il y a là quelque chose de difficile à saisir. La qualité des dialogues et du découpage pallient tout de même certains passages un rien « mono expressifs ». Comme dans l'oeuvre de Miller, les jeux d'ombres tiennent un rôle central dans la narration du récit. Le travail de Mignola à ce niveau est remarquable, avec toujours cette constante de garder les 2/3 de ses dessins plongés dans un noir complet. Le style est là. Et pour cause... Sans doute ne conviendrait-il pas à d'autres personnages, moins sombres et tourmentés que Hellboy, ou Marv, pour Miller.
Le scénario est efficace. Si les nuits passées à naviguer non loin de côtes d'Innsmouth, à la recherche d'un mystérieux îlot, hantent encore vos nuits, si vous pensez qu'il est heureux pour notre santé mentale que l'Homme n'ait pas une totale conscience de ce qui se trame Là-Haut, dans l'espace froid, demeure d'entités dont il ne faut pas prononcer le nom... Si les récits de Lovecraft ont su réveiller en vous un sentiment inexpliqué de profonde crainte, vous trouverez sans doute avec la série Hellboy de quoi satisfaire votre curiosité. Ajoutez à cela la rémanence du IIIème Reich et de ses sbires, vous obtiendrez un terrain de jeux idéal pour un jeune démon élevé parmi les Hommes.
Le récit est intéressant car il n'hésite pas à envoyer certains agents du B.P.R.D. sur des pistes sans intérêt, occasionnant ainsi des incidents qui auraient pu être évités. Cela donne à l'histoire une certaine spontanéité. Le surnaturel est présent à chaque page, jusqu'à s'incarner en une Baba Yaga (sorcière des contes slaves), guide spirituel de l'inquiétant Raspoutine, revenu d'entre ses mille et une morts. On assiste notamment à un épilogue nous éclairant un peu plus sur les motivations de ce dernier et surtout sur ses peurs et ses propres doutes. Tout comme Hellboy, il se doit de trouver le sens de son existence. Cela le rend beaucoup plus humain, et donc faillible. On comprend un peu mieux dès lors le fardeau de sa destinée...