Critique à lire avec extraits : https://branchesculture.com/2017/01/30/william-adams-samourai-bd-chronique-mariolle-genzianella-alquier/
Alors qu’il a choisi la voie du sabre et de l’Asie depuis quelques années pour inspirer sa fibre scénaristique (mais pas que) avec des récits comme Shanghaï ou La voie du sabre, justement, Mathieu Mariolle (vous vous souvenez, on avait relu il y a quelques semaines son terrible Blue Note, les dernières heures de la prohibition) récidive avec Nicola Genzianella et William Adams, Samouraï qui se retrouve prisonnier aux Confins du monde. Le premier tome d’un diptyque.
Résumé de l’éditeur : Au XVIIe siècle, William Adams, un marin anglais, fait naufrage sur les côtes du Japon. Il découvre un pays au bord de la guerre civile, divisé par les luttes de pouvoir qui opposent le général Tokugawa aux quatre régents pour l’accession au titre de Shogun. Pris au piège dans cette contrée où tout lui est étranger, sa connaissance de la technologie maritime et des armes fait rapidement de lui l’instrument de ce conflit. Alors que les régents et les jésuites, hostiles à la présence d’un protestant dans le pays, réclament sa mort, le général Tokugawa lui sauve la vie. Le destin de ces deux hommes va alors se sceller de manière indissociable.
Avant toute chose, il est étonnant de voir à quel point la parution de ce nouvel album fait écho à une autre histoire qui verra, elle, le jour sur grand écran: le tant attendu Silence de l’immense Martin Scorsese. L’ambiance de ce Japon du XVIIème siècle dans lequel débarque notre héros-malgré-lui nous rappelle, en effet, la bande-annonce de ce film vue il y a quelques jours. La mer, la plage, une affaire de religion et la crucifixion des chrétiens hérétiques (non-jésuites). Voilà donc une BD qui pourrait très bien vous aider à prendre votre mal en patience avant la sortie du film… ou le prolonger une fois que vous l’aurez vu.
L’histoire n’est bien sûr pas la même mais elle aussi implique la découverte d’une culture différente et un pays dont la pensée est dirigée et cadenassée par les Jésuites qui se débarrassent assez facilement des grains de sable qui pourraient enrayer leur mécanisme d’endoctrinement. Pour ce faire? Il y a assez de croix le long des routes pour accueillir ces « ennemis ». Problème : lorsque l’Anglais William Adams, ce navigateur sous les couleurs hollandais protestant s’échoue sur les côtes de la Mer de Chine, « une terre de sauvage et primitive peuplée de barbares » croit-il alors, il présente très vite un intérêt pour le général Tokugawa le prend très vite sous sa protection. En effet, en pleine lutte des régents qui risque bien de tourner en guerre civile, mieux vaut avoir les armes pour se défendre et vaincre. Et il se trouve que le navire de William, des armes il y en a un beau stock auquel le marin commerçant pourrait initier Tokugawa et ses hommes. Entre devoir moral et envie de survie, William va devoir trancher… ou se faire trancher.
C’est un très beau diptyque inspiré d’une véritable histoire que commencent, ici, Mathieu Mariolle, Nicola Genzianella et Fabien Alquier. À l’instar de leur personnage principal malmené par le sort, le trio envoie le lecteur en voyage dans un Japon insoupçonné, plus vraiment médiéval mais pas encore vraiment moderne, sensible à une guerre de religions qui n’avait pas vraiment de raison de l’épargner. Le format de cette histoire, répartie en deux volumes, permet ainsi à Mathieu et Nicola de ne pas galoper, de prendre leur temps pour installer intrigue et ambiance, pour faire exister le mauvais temps sur la falaise, la pluie, le coucher du soleil, la moisissure des prisons et la férocité des combats aussi. Cela permet aussi quelques double-planches de bien belle facture. Jouant de tension et de malaise, l’intrigue de Mathieu Mariolle trouve sous les traits de Nicola Genzianella et la couleur de Fabien Alquier, un superbe écrin.