Après le western en sept tomes Duke, les Huppen père et fils – comprenez Hermann et Yves H. – réduisent la voilure pour s’aventurer dans un péplum loin de Rome. En territoire picte (et ça n’a rien d’une blague à la Astérix). Dans la première partie du diptyque Brigantus, mettez vos feux antibrouillard et gardez votre main sur le glaive.
Chronique et extraits du tome 1 et du tome 2: https://branchesculture.com/2024/04/30/brigantus-bd-hermann-yves-h-tome-1-banni-legion-romaine-pictes-deroute-combats-violence-apatride-marecage-pieges-ecosse/
Sur la couverture de Banni, c’est un univers bien sombre qui se déploie, dans la boue et le rouge. C’est cette couleur qui nous explose à la figure, sur l’épée, sur la cape, sur le titre. C’est une illustration qui tranche avec pas mal de couvertures qui veulent en montrer le plus possible. Ici, c’est l’inverse, Hermann en montre le moins possible, avec force matières quand même, avec un héros bossu et informe qui nous tourne le dos. On n’en saura pas plus.
Pas avant un bout de temps car, pour l’heure, la menace est partout, tout le temps. Nous sommes en Écosse, la centurie repousse les limites de l’empire et ce n’est pas du goût des Pictes. Rouges contre bleus, le match aller avait tourné à l’avantage des premiers, titans et tyrans, forts pour humilier. Mais le match retour risque bien d’être beaucoup plus disputé, dans la nuit, par surprise. Heureusement, le bataillon peut compter sur son colosse: Brigantus.
Sur le champ de bataille, c’est une bête, imbattable, mais dans la marche et l’attente, il est conspué par ses compagnons de galère. Il est « Le Picte ». Et nul doute que dans ces contrées, c’est une insulte. Pourquoi ce sobriquet? Le jeune Aurelius n’est pas encore arrivé à percer ce mystère. Reste que dans les rangs, les marais, le brouillard et les attaques des vaillants guerriers qui résistent encore et toujours à l’envahisseur, ils ne sont plus qu’une poignée. Et on compte plus que jamais sur ce Mr Muscle à qui il est conseillé par le centurion et son adjoint de ne pas adresser la parole. Monstre de solitude ce Brigantus.
Seul, le lecteur partage ce sentiment à la lecture de cette première partie. Un peu austère. L’histoire tient pour le moment sur un mouchoir de poche, manichéenne à souhait, et poussivement coupée en deux parties alors que le lecteur n’a en réalité que l’introduction dans ce premier acte. L’action, quant à elle, se trouve plus d’une fois surdécoupée, à tel point qu’il y a de temps à autre une case en trop dont Hermann semble ne pas trop savoir quoi faire. Ce qui déforce le trait prodigieux de ce sacré bonhomme de la bande dessinée qui ne trouve pas toujours scénario à sa hauteur. Après l’honnête et puissant Duke, c’est la douche froide. En Écosse, rien de plus normal… mais on espérait mieux.