Batman : Année 100
6.9
Batman : Année 100

Comics de Paul Pope (2006)

"All this talk about civil desobedience - your elegant John Locke and your laissez-faire !"

Je ne m'attendais pas à un tel choc. J'avais bien lu que Batman Year 100 était remarquable à bien des titres, mais les critiques diverses étaient généralement tempérées par une timide réserve, en particulier vis à vis du scénario. Je crois cependant avoir trouvé mon Batman préféré jusqu'à présent.


Parlons du plus évident : le dessin. Je ne sais pas ce qui rend celui-ci particulier - je suis loin d'être un expert dans le domaine - mais le trait est définitivement original, un peu confus, et en même temps net - il m'évoque celui d'un Blake et Mortimer qui aurait un peu fondu, si ce que je dis à un sens. Tantôt lisible, tantôt brouillon, il se fait le vecteur de la confusion qui règne dans l'action, à un point tel qu'on a l'impression de le voir s'animer sous nos yeux. Quoiqu'il en soit, lorsqu'on ouvre les premières pages, on est immédiatement aspirés dans l'histoire, curieux de cet univers dystopique unique que Paul Pope assume avoir construit de A à Z.


L'univers justement. Jamais entièrement développé, il affleure cependant au fil des indices narratifs. Il n'est jamais question de "totalitarisme", de "fascisme", ou que sais-je, mais on comprend très vite que ce 2039 n'est pas vraiment celui dont on rêve. Le mot dystopie revient souvent pour le qualifier, mais je ne suis pas sûr que ça soit exactement juste. Il y a quelque chose de profondément pertinent et réaliste dans l'univers de ce Batman, sans que rien ne soit trop ostentatoire. Si la dystopie a pour fonction de mettre en exergue les travers d'une idéologie particulière, cet univers là, lui, ne fait que nous montrer la voie que nous avons prise. L'intrigue entière a pour thème la vie privée, le droit à l'anonymat, et la propriété intellectuelle, sujets éminemment pertinents aujourd'hui et probablement amenés à prendre de plus en plus d'ampleur au fil des ans.


C'est probablement ce qui fait la force de ce Batman autant que sa faiblesse. Ceux qui attendent de Year 100 un scénario Hollywoodien propre à faire un blockbuster seront déçus. Il s'agit plutôt d'un obscur film indé austro-tchèque libertarien qui se déroule quelques kilomètres plus avant sur la "route de la servitude". Et si je me permets de parler de libertarianisme, c'est parce que Batman lui même y est dépeint comme un adepte de la tradition libérale (Le titre de cette critique cite une case où John Locke et Lysander Spooner sont directement référencés). Paul Pope n'a pas vraiment l'air de cacher son libertarianisme, surtout si l'on en juge aux planches bonus de l'édition américaine qui présentent Baruch Wane, riche juif Allemand amateur de cubisme qui, en 1939 à Berlin, enfile le costume de Batman pour partir sauver les écrits de Ludwig von Mises. Rien que ça.


En bref ce Year 100 est unique, une belle oeuvre articulée autour de ce qui est probablement un des défis majeurs de notre première moitié de siècle (la question de la vie privée), entièrement fini, léché, et très original. Je le recommande donc à qui saura l'accepter pour ce qu'il est, et aux autres, ne serait-ce que pour son dessin captivant.

Bleh
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le 31 déc. 2013

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Blèh

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