Œuvre emblématique de l'âge sombre des comics (période post-1986), dans la lignée de The Dark Knight Returns auquel il est impossible de ne pas se référer, Le Culte développe aussi ses propres qualités qui en font toujours aujourd'hui, 35 ans plus tard, l'un des tous meilleurs albums de Batman.


Dessin : 1/2

Le dessin de Bernie Wrightson, très précis par moments, tombe également souvent dans la paresse et la facilité avec des cases calquées ou des traits qui ressemblent plus à des esquisses posées sur un script. En revanche certaines pages sont absolument magnifiques et regorgent de détails, particulièrement dans les décors. Wrightson est à son aise dans cette ambiance sombre et fangeuse, lui à qui on doit notamment Swamp Thing.


Encrage, colorisation : 2/2

Bill Wray réalise un travail extraordinaire alternant les planches très sombres et les jaillissements de couleurs chatoyantes, parfois proches du psychédélique ce qui colle très bien avec l'empoisonnement et l'hypnose de Batman.


Mise en page : 2/2

Une des plus belles œuvres graphiques de Batman que j'ai pu lire. Le découpage est particulièrement réussi, amène un rythme rapide, soutenu, haletant, qui débouche in fine sur des planches remarquables. L'atmosphère de ce monde souterrain est parfaitement retranscrite.


Ecriture : 1/2

On ne peut pas totalement exonérer Jim Starlin des emprunts appuyés au Dark Knight Returns de Miller. Que ce soit l'incrustation des écrans télés au fil des pages (leur utilisation est tout de même plus subtile dans TDKR), le physique musclé de Batman, le design gonflé de la Batmobile montée sur pneumatiques de monster car, le parallèle entre les mutants et les underworlders, l'affrontement viril entre Batman et le gourou qui aboutit à une correction devant tous ses adeptes, et bien d'autres aspects. Pour le reste on est face à un Batman qui morfle énormément, dans un univers très sombre et violent. Critique des religions, des courants new edge et de leurs gourous, à mettre en parallèle avec l'omniprésence de la télévision. A noter également la relation intéressante entre Batman et Robin, un Jason Todd réhabilité que Jim Starlin fait mourir dans Un Deuil dans la famille publié au même moment que cette mini-série (août-novembre 1988).


Contexte, ambiance : 2/2

Une bonne moitié de l'album se déroule dans le réseau d'égouts de Gotham, une ville par ailleurs dépeuplée au fil des pages tandis que l'armée des souterrains grossit sous l'afflux des miséreux de tous le pays (une légende collective américaine revisitée). Une mise en abîme de Gotham, où la vie est avalée par ses entrailles. Même les morts disparaissent sans laisser de traces. A chaque fois qu'un personnage passe d'un monde à l'autre cela aboutit à une mort, souvent très violente. Starlin qui s'est complètement affranchi de la censure du Comics Code Authority montre des amonts de cadavres, des gerbes de sang, des assassinats brutaux et violents. Des choix douloureux aussi, comme lorsque Batman laisse une femme se faire enlever par un gang sans intervenir pour ne pas dévier de sa mission première, tandis qu'on devine le pire pour elle. Comment ne pas voir aussi la faillite de l'Etat, que ce soit les forces de police qui abandonnent la ville ou l'armée qui fait preuve d'un incroyable niveau d'amateurisme.


Postérité : 1/2

Parmi l'héritage laissé par Starlin il y a toute la légende créée autour de la tribu des Miagani, les premiers habitants de ce qui deviendra plus tard Gotham, tribu entourée d'un mysticisme quasi cosmogonique qui sera le thème principal de l'œuvre de Grant Morrison dans Le Retour de Bruce Wayne. Christopher Nolan a aussi pas mal emprunté à The Cult pour son Dark Knight Rises. Ce Batman complètement démoli et en proie au doute sera repris par d'autres auteurs, je pense par exemple à l'arc Knightfall ou à Darwyn Cooke (Ego).


Note finale : 8/10 [Top 20]

Album majeur qui a pu diviser parmi les fans, à cause du traitement violent infligé à Batman qui perd toute la capacité de résilience qui fait habituellement sa force. On pourra également regretter le manque d'originalité de certains traits empruntés directement à Frank Miller. Pour le reste il faut saluer le travail des auteurs qui livrent un album très noir, parmi les plus emblématiques de cette période sombre et plus mature des comic books. Une narration qui inspirera d'autres auteurs par la suite et qui a su s'imposer dans le canon.

Yushima
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le 10 sept. 2023

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Yushima

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