War zone
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Contrairement aux autres super-héros, Batman ne possède aucun pouvoir spécifique. Ce qui le distingue du quidam, c’est une colère intériorisée, remontant à l’enfance, doublée d’une capacité sans commune mesure à user de sa fortune personnelle pour mettre au point des gadgets susceptibles de débarrasser Gotham City de ses criminels. À cet égard, la Batmobile est symptomatique. Indissociable du Chevalier noir, dont elle épouse certains traits caractéristiques (la robustesse, la sophistication, la couleur, les ailes élancées), elle incarne une propension maintes fois vérifiée à exploiter la technologie afin de faire régner l’ordre. Sous cet angle, le véhicule fétiche de Batman, au même titre que le Batplane, la Bat-moto ou la Redbird de Robin, méritait certainement sa place dans la série Batman Mythology. Cependant, la sélection de récits opérée dans le présent volume nous confronte aussi aux limites de cette entreprise : la Batmobile et les autres véhicules de la galaxie Batman n’ont jamais été des personnages à part entière ; il s’agit tout au plus d’outils qui se fondent dans les intrigues de Gotham City et qui, occasionnellement, entrent en résonance avec leur propriétaire. Inutile de chercher ici les prévalences qui unissaient Arnie Cunningham et sa Plymouth Fury rouge sang dans l’excellent Christine, de John Carpenter.
Cette réserve mise à part, ce nouvel opus de Batman Mythology demeure des plus plaisants. En 1942, Bill Finger et Bob Kane introduisent déjà la Batmobile et le Batplane à l’occasion de « Brelan de bandits ». Trois voyous jouent aux cartes et en profitent pour se raconter leurs mésaventures avec le Chevalier noir. Le Roublard évoque ainsi une « super-bagnole » arpentant la ville si vite qu’elle permet à Batman de vérifier toutes les fausses alertes qu’il communique sur la fréquence de la police. Joe Samachson et Dick Sprang vont poursuivre cette glorieuse caractérisation dans « La Batmobile, modèle 1950 » : « taillée sur mesure pour lutter contre le crime », la voiture est en sus pourvue du « dernier cri des équipements scientifiques », mais aussi dotée d’un mini-labo, d’un radar et de fusées arrière. Les équipements motorisés de Batman sont propulsés au rang de prolongement naturel : quand l’homme seul ne suffit pas, il peut recourir à des bolides aussi sophistiqués que redoutables. Cet écho entre le Chevalier noir et ses machines se retrouve aussi dans « Un torrent permanent », de Doug Moench et J.H. Williams III (1996). Pris dans un « torrent permanent », Batman apparaît aussi épuisé que sa voiture. « La fatigue est un luxe », commentera-t-il toutefois, comme pour signifier que, face au crime, leur régénérescence respective n’est qu’un énième impératif.
« La Naissance du Batplane II », de David Vern Reed et Dick Sprang (1950), raconte le détournement de l’avion de Batman par la pègre de Gotham City. Sans surprise, la solution à ce vol de matériel proviendra… d’un nouveau Batplane amélioré. « Le Docteur Phosphorus est de retour » s’avère plus moderne et moins conventionnel. Sorti en 1979, il voit Steve Englehart et Irv Novick déployer une critique à l’encontre du nucléaire et de ses déchets radioactifs, par l’entremise de Barbara Gordon, élue au Congrès. Sa place dans le recueil se justifie par une double course contre la montre, Batman installé dans la Batmobile et Batgirl sur la Bat-moto. Pour la petite histoire, on y voit aussi un commissaire Gordon dans l’impossibilité de déléguer ses tâches, y compris nocturnes, à de jeunes recrues inexpérimentées. Décidément, à Gotham, la lutte contre le crime harasse ses chevaliers, noir comme blancs. Le diptyque composé de « Robin est-il mort ce soir ? » et « Un gamin de plus dans l’allée du crime » a beau être sympathique et prendre pour cadre l’emblématique lieu de naissance de Batman, on peine à comprendre les motivations éditoriales ayant conduit à son introduction dans ce Batman Mythology.
Plus anecdotiques mais non moins réussis, « La Caisse » (Chuck Dixon et Scott McDaniel, 1998) et « Mais où diable a-t-il appris à conduire ? » (Scott Snyder et James Tynion IV, 2013) prennent également place dans le volume, tout comme l’excellent triptyque « Vilaines filles », « Question (piège) mortelle » et « Un dernier tour de batte(-man) » (Chuck Dixon et Graham Nolan, 1997). Ces derniers se distinguent par la présence du Sphinx, une double évasion spectaculaire, un jeu d’énigmes à la Die Hard 3, des courses infernales et une beauté graphique indéniable. On y effeuille aussi la personnalité de Bruce Wayne, ce dernier expliquant notamment sa méconnaissance du baseball par une précision lapidaire : « Je ne suis pas resté jeune longtemps. »
Sur Le Mag du Ciné
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le 26 nov. 2021
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