Batman : Noël
7.2
Batman : Noël

Comics de Lee Bermejo (2011)

Batou se transforme en Babtou fragile

J'aime bien l'art de Lee Bermejo. Le mec est à part dans la société; c'est un peu le Baudelaire de chez DC Comics. Non seulement ce qu'il écrit est foutrement beau, mais en plus, c'est vachement recherché. Et cela ne serait guère prodigieux si ses graphismes n'étaient pas, quand à eux, supérieurs en talent à sa manière de rédiger des textes, et de former des phrases avec les mots adéquats.


Car il faut bien le dire, l'homme est très impressionnant. Quand tu t'aperçois que le mec a fait son comics presque tout seul, tu te dis vraiment qu'il pèse dans le game, le gars. C'est pas tellement que c'est un génie, car de cela, nous ne pourrons juger qu'avec le temps. Non, c'est surtout que le mec gère la péruche, et qu'il casse les pattes arrières d'un canard. Howard de préférence. Référence aussi subtile qu'un buldozer conduit par Rambo dans un champ de soie.


Et c'est donc seul que le mec plonge à l'eau. Sans grande peine, il semble se recevoir à la perfection sur les rivages de Gotham. Avec maîtrise et assurance, il nous fait donc part d'un travail qui, semble-t-il, l'a forcé à nous montrer le tréfond de son âme. Parce qu'il faut bien le dire, ce comics ci n'est point commun du tout : il est très personnel.


On y sent un ardent désir de rendre hommage à une figure que l'homme apprécie visiblement et, en même temps, d'humaniser, en quelques sortes, un personnage si mythique et représenté que le Chevalier Noir, ce protecteur maudit de la belle Gotham. Tout est manière de voir les choses.


Et c'est donc un profond ressenti intimiste qui ressort de l'oeuvre. Car Batman n'est plus un Dieu : il est vulnérable, tellement qu'il craint le froid. Oui, c'est un homme, pas un super-héros. Bien plus proche du héros, voire de l'anti-héros, ses réactions surprendront parfois ( notamment en ce qui concerne l'autre personnage principal de l'oeuvre, le bandit pourtant gentil ), et son évidente vulnérabilité en étonnera plus d'un.


Le Batman a un rhum. Un putain, de rhum !! Et c'est justement cela qui est génial : l'aspect très proche du commun des mortels du personnage principal. Car bien plus que jamais, Bruce Wayne est Bruce Wayne et, de même, on s'identifiera à lui de la meilleure des manières. Et c'est, en fait, profondément touchant que de voir cela : l'homme en lui même est pûrement torturé par ses dilemnes moraux, et par les erreurs même de son passé.


Il songe donc à Robin et, par delà même, au One Shot "A Killing Joke" du génie Moore. Et, de l'autre côté, outre l'écriture de qualité ( inspirée de je ne sais plus trop quel bouquin de je ne sais plus trop quel auteur; non, je ne cache pas mes lacunes culturelles ), ce sont surtout les graphismes qui, si vous y êtes sensibles, vous clouront sur place.


Personnellement, je me suis vu sidéré par cette qualité évidente des dessins et, bien entendu, de cette encrage fabuleux de Bermejo ( mais je puis me tromper ) qui, sous chaque angle, procure des sensations uniques. Et que dire de ces couleurs extrêmement bien choisies qui, pour une fois dans l'histoire du comics ( je caricature volontairement, rassurez-vous ), ont un réel sens artistique?


Le fossé entre le Batman et Superman sera ainsi encore plus appuyé : le Dark Knight, entouré d'ombres, s'opposera complètement au Man of Steel, ce dieu qui baigne constamment dans une lueur de clarté dorée. Cela lui donne un aspect encore plus divin, encore plus puissant : il est donc démesurément bon, et fait presque tâche, de par sa pureté, face à toute cette norceur, teintée d'une irrémédiable puanteur, celle de la ville de Gotham.


Pour ce qui est de l'aspect physique des personnages, il est indéniablement réussi. On pourra ne pas apprécier le travail de Bermejo, mais il y a une chose qui me paraît indéniable : c'est que le mec a bossé comme un dingue pour nous sortir pareille oeuvre ! Ressortent donc un véritable aspect réaliste et une impression marquée de substance et de matière.


Les détails sont tels ( notamment pour ce qui est des rides des personnages, des ombres et des plis sur leurs vêtements, choisis et rendus à la perfection ) que l'on aura finalement l'impression de lire quelque chose de réel, de capturer un instant de vie. Chaque case est une oeuvre à part entière, chaque instant est un beau tableau, chaque plan est un chef-d'oeuvre de maîtrise, de recherche et de poésie.


Et pour ce qui est de l'apparence des personnages, je dois bien avouer être grandement satisfait : d'un côté, on a un Bruce Wayne-Batman terriblement charismatique, et de l'autre nous avons droit à un Joker très typé Ledger. Et cette influence se fait ressentir tout de long, comme si Bermejo avait souhaité rendre hommage à cette défunte légende.


Cela se ressent également dans certaines planches de l'oeuvre, l'artiste ayant eu la présence d'esprit ( le brio ? ) de reprendre le plan de caméra mythique nous révélant le Joker dans sa prison en plongée, avant qu'il ne parle des potes du flic qui lui fait face. De sa part, c'était donc très bien vu, et extrêmement bienvenu.


Qu'y-t-il donc à retenir de ce comics ci? Après le pavet que je vous ai rédigé, je vous offre la possibilité de lire le résumé en une conclusion plutôt brève. Pour faire court, c'est un One-Shot de dingue que celui présenté ici : l'écriture, bien que moderne, est très bien pensée et s'avère, au final, d'une grande fluidité, et les graphismes, réalistes et lourds de sens, font parfaitement ressortir l'atmosphère poisseuse de la ville de Gotham. On s'y croirait et, personnellement, je m'y croyais.

FloBerne
10
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le 8 oct. 2015

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FloBerne

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