Ils sont sympas les p'tits gars de chez Urban Comics, ressortant à une vitesse assez foudroyante une belle poignée de classiques de chez DC. Si les couvertures se ressemblent un peu toutes dans un soucis d'hégémonie, les quelques bonus à la fin de chaque ouvrage font toujours plaisir. Et puis c'est l'occasion de remettre le nez dans quelques chef-d'oeuvres du comic-book, si, comme moi, vous ne possédiez pas encore certains titres mythiques.
Au milieu des années 80, Frank Miller se voit offrir l'occasion de dépoussiérer un peu l'image de "Batman", héros légendaire créé par Bob Kane qui reste toujours en tête de listes des personnages préférés des lecteurs malgré des ventes en baisses constantes. Fort de son expérience sur la série "Daredevil" et de son sympathique "Ronin", Miller prend à bras le corps le projet qui lui est commandé, enfantant l'air de rien une des plus grandes oeuvres sur le Caped Crusader.
Va résulter de ce travail une oeuvre dense et complexe, déconcertante car ne brossant pas le lecteur dans le sens du poil, Miller faisant de son héros une âme tourmentée et vieillissante, à un pied de la tombe, sorte de croisement entre Dirty Harry et le Punisher, Miller héritant par la suite d'une réputation (pas toujours justifiée) de réac.
Le futur auteur de "Sin City" plonge ses personnages dans un chaos monumental, décrivant Gotham City comme une citée rongée par la violence et le vice, critiquant violemment l'Amérique de Reagan, montrée ici comme une nation bouffée par les vers et laissée aux mains d'incapables bureaucrates, où l'on théorise à l'infini sans jamais prendre une décision, où l'individu ne peux désormais penser qu'à travers un tube cathodique. Une approche rentre-dedans et furieusement hard boiled qui annonce déjà le monumental "Robocop" de Paul Verhoeven (Miller bossera d'ailleurs sur le script de "Robocop 2", qui sera finalement en grande partie modifié).
Réflexion fascinante sur l'autodéfense tout autant que regard à la fois désabusé et cynique sur les figures mythiques de l'Amérique, "The dark Knight returns" est une date dans l'univers du comic-book, pièce maîtresse de la carrière de Frank Miller et jumelle du "Watchmen" de Dave Gibbons et Alan Moore, aux graphismes très particuliers, renforcés par l'encrage de Klaus Janson et les couleurs de Lynn Varley.