Première chose avant d’entamer cette nouvelle série : prenez une aspirine. Puis installez-vous confortablement dans votre lit, et n’éteignez pas vos lumières. Ce dernier volume consacré à Before Watchmen promet de ne pas laisser votre cerveau intact !
Before Watchmen a très clairement oscillé entre le très bon et le très mauvais. Sans véritable juste milieu. Découvrons où se situe le Dr Manhattan.
Jon Osterman, fils d’horloger, est devenu un scientifique spécialisé dans le domaine du nucléaire. Mais un accident dans une chambre d’essai de canon à particules l’a métamorphosé à jamais. Devenu le Dr Manhattan, il est désormais l’égal d’un dieu. Capable de restructurer la réalité à sa guise, il perçoit l’espace-temps comme une chose finie : la contrepartie est qu’il se désolidarise petit à petit de l’humanité. (contient : Before Watchmen: Dr. Manhattan #1-4)
JMS nous entraîne à travers le temps, l’espace et les réalités dans tous les sens, et selon le point de vue, très… très… mystico-psychiquement tordu du Dr Manhattan. Ce brave Jon Osterman va s’interroger sur sa création, sur le pourquoi de sa création, sur les différentes vies alternatives qu’il aurait pu avoir si ses choix l’avaient conduit à devenir un moi présent différent dans le futur. Oui, je vous l’ai dit, c’est douloureux pour le cerveau comme histoire, et cependant cela est formidablement bien construit par JMS avec son jargon et son délire scientifique, il fait en sorte de nous abreuver d’explications paraissant plausibles voire totalement logiques (expérience du chat de Shrödinger, comme quoi l’observateur (quantique) affecte ce qu’il est justement en train d’observer). On traverse différents évènements de Watchmen, on en revoit d’autres à travers les yeux de Dr Manhattan, alors qu’il s’interroge sur son existence. Et alors que l’on se dirige vers encore une bonne série mais qui n’apporte rien, l’auteur nous sort un cliff final à nous couper le souffle, coupant même celui de Dr Manhattan, lui qui pourtant sait tout sur ce qui a été, est et sera.
Si l’histoire est toujours plus complexe au fil de notre lecture, la mise en page d’Adam Hughes pour nous offrir ce qui découle pour chacun des choix du Doc est une pure idée de génie. Que deviendrait le monde sans le Dr Manhattan, c’est la question qui nous est posée, et au final on ne nous y répond pas vraiment. On nous propose surtout de voir les choix qui se seraient proposés à lui s’il n’avait pas subi les effets menant à sa création, à sa transformation, à son élévation.
Alors oui, si l’interrogation du Dr Manhattan sur ce qui se serait passé s’il n’avait pas été transformé est intéressante, mais, et après ? C’est bien écrit, formidablement bien réfléchi, un rien prise de tête mais cela nous apporte quoi ? Comme beaucoup de titres de Before Watchmen, cette mini n’apporte pas grand chose, elle ne nous aide pas à approfondir notre vision du Dr Manhattan dans Watchmen… Il aurait fallu un travail sur avant la transformation, comme avec les flash-back sur son enfance, très instructifs et formidablement mis en images par Adam Hughes.
Au dessin, un vrai plaisir de pouvoir de nouveau admirer les dessins d’Adam Hughes, le monsieur se faisant trop rare ailleurs que sur des couvertures. Découpage classique mais efficace, couleur et mise en page donnant un aspect vieux aux pages, visages tellement expressifs des protagonistes. Un vrai plus pour la série. Seul bémol, un Dr Manhattan un poil trop fluo pour moi, dénotant trop du reste des couleurs. C’est sans doute intentionnel mais ça m’a gêné.
Certaines de ses cases, de ses pages même m’ont absolument enchanté. Et ses personnages sont d’une telle beauté, j’ai littéralement craqué pour la fiancée du Doc se mordant la lèvre dans son chemisier à carreaux !
Bref, un bon début pour l’homme devenu l’égal d’un dieu. La réflexion de JMS, bien que longue et un peu trop verbale par moment, est bien construite et nous amène sans que l’on s’y attende à différents cliff de fin assez surprenants et donnant l’envie de poursuivre notre lecture. Récit intelligent c’est indéniable, mais c’est compliqué, et surtout on se demande assez souvent où l’on va. Peut-être trop de Dr Manhattan et pas assez de Jon Osterman. C’est à travers l’être imparfait que s’interroge l’être parfait. Néanmoins c’est une lecture plaisante car très travaillée, très riche et qui donne matière à réfléchir.
Le retour d’Adam Hughes au dessin c’est du pur bonheur, c’est magnifiquement beau, cela saute aux yeux !